Conseils à l’usager du métro londonien

Publié le 31 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

Le 22 juillet à 10 heures du matin, sur un quai de la station Stockwell, au sud de Londres, un jeune homme s’effondre aux pieds de ses poursuivants. Gisant sur le ventre, Jean-Charles de Menezes, un électricien brésilien de 27 ans, est tué, sans sommation, de cinq balles dans la nuque par un agent – en civil – du S019, unité d’élite de la police britannique. Ce dernier n’a fait qu’appliquer la consigne donnée aux policiers qui estiment se trouver face à un kamikaze présumé : « Shoot to kill ». Ce qui signifie tirer pour tuer, en visant la tête et non le torse ou les jambes, contrairement à la règle selon laquelle la riposte doit rester proportionnelle à la menace supposée. Ian Blair, le patron de la police britannique, qui dit avoir été convaincu par les arguments de ses collègues israéliens et sri-lankais, justifie cette doctrine en expliquant que, jusqu’à son dernier souffle, un terroriste peut déclencher la bombe qu’il porte sur lui.
Seulement, voilà : Jean-Charles, lui, ne portait rien du tout. Quelques minutes plus tôt, les policiers l’ont vu sortir tranquillement du lotissement de Scotia Road où il résidait pour prendre son bus, le n° 2, qui l’a conduit jusqu’au métro, comme chaque fois qu’il allait travailler dans le centre de Londres. Pas plus ce jour-là que durant ses trois années passées au Royaume-Uni il n’a commis d’acte délictueux. Son comportement a toujours été celui d’un garçon calme, aimant ses parents restés dans l’État du Minas Gerais et fidèle aux membres de sa famille émigrés en Grande-Bretagne. Il n’était pas armé, ne transportait aucun objet suspect, n’avait fait aucune excentricité ni prononcé aucune parole choquante. Et il était parfaitement sobre.
Il a cependant commis trois erreurs. 1. Redoutant les bourrasques inopinées de l’été londonien, Jean-Charles, pour qui les chaleurs de la capitale étaient peu de chose au regard des fournaises du village de son enfance, a cru jouer la prudence : dans sa modeste garde-robe, il a opté ce jour-là pour un vêtement épais qui le protégerait contre un éventuel refroidissement si la météo devait se dégrader avant le soir. Cette tenue, « incongrue » aux yeux des « Bobbies » en bras de chemise, l’a désigné comme suspect. 2. Ayant appris que l’enquête de police effectuée au lendemain des attentats du 7 juillet s’orientait vers la banlieue où il résidait, il a pris sur lui de ne rien changer à ses habitudes, sans doute (mal) inspiré par un flegme britannique pourtant loué par les médias du monde entier. De quoi confirmer les soupçons de la police : ce « faux Anglais » basané singeait, à l’évidence, le comportement des Britanniques pour mieux dissimuler ses sombres desseins… 3. Interpellé, à la bouche du métro, par un groupe d’hommes armés poussant des hurlements, Jean-Charles s’est revu, en un éclair, agressé quelques années plus tôt par une bande de voyous de São Paulo. On ne s’explique pas avec ces gens-là : on se tire, et Jean-Charles, prenant ses jambes à son cou, a sauté le portillon. Dès lors, le doute n’était plus permis…
D’où ce vade-mecum à diffuser d’urgence aux usagers du « tube » londonien, surtout s’ils sont des citoyens d’adoption de la – trop – perfide Albion. Habillez-vous légèrement. L’été, n’ayez pas peur de ressembler à un chippendale avec un tee-shirt serré qui laisse voir chacun de vos muscles – ou de vos bourrelets – et trahirait le moindre renflement douteux. L’hiver, une veste ouverte de coton fin fera l’affaire. Teignez-vous en blond, cela vous évitera ce look que les vrais Celtes jugent fâcheusement commun aux Pakistanais, aux Marocains, aux Brésiliens et autres Yéménites. Si vous devez transporter vos courses ou des documents, faites-le en utilisant un sac plastique transparent : la serviette de cuir est à proscrire, sans parler de votre sac à dos que vous brûlerez d’urgence. Un grand crucifix porté en sautoir sur la poitrine vous différenciera des « musulmans » de sinistre réputation, tout en apportant une note gaie à votre mise. Et, surtout, si vous habitez en banlieue, prenez un taxi pour vous rendre à votre travail !

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