Casse-tête à Amsterdam

Publié le 31 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

La grande idée à Amsterdam, en ce moment, c’est d’y construire une sorte d’équivalent de l’Institut du monde arabe de Paris. Mais force est de constater que cette belle initiative est en train de tourner à la farce. D’abord, il n’y a pas une équipe qui étudie la question, mais une dizaine, au moins, et qui ont chacune leurs motivations.
Il y a ceux qui s’inquiètent de l’image négative des Arabes dans l’opinion publique. Ils veulent montrer un autre visage des Arabes, une culture millénaire, un passé prestigieux, des traditions d’honneur et d’hospitalité. De plus, ajoutent-ils, l’image des Marocains en Hollande, marquée par la petite délinquance des uns et l’extrémisme des autres, serait ainsi rehaussée.
Et là, on voit déjà le début de la confusion. En effet, 80 % des Marocains qui vivent aux Pays-Bas viennent du Rif et se définissent comme des Berbères et non comme des Arabes. Si vous montez une exposition sur l’art de la calligraphie dans les Émirats, ils ne se sentiront nullement concernés. Je n’en ai encore jamais rencontré un qui se sente particulièrement proche d’un habitant de Qatar.
Parmi les groupes qui s’agitent pour monter un IMA à Amsterdam, il y a même quelques farfelus qui ont écrit dans leur profession de foi qu’ils voulaient unifier dans un même lieu les trois grandes communautés étrangères vivant aux Pays-Bas, à savoir les Marocains, les Turcs et les Iraniens. Vous imaginez d’ici les hurlements des Turcs et des Iraniens, descendants des Ottomans et des Sassanides :
– En quoi ça nous regarde, votre copie de l’IMA de Paris ? Nous sommes turcs, nous ne sommes pas arabes. Nous avons administré ces zigotos pendant six siècles, mais nous n’avons rien à voir avec eux. À part une musique sirupeuse, ils ne nous ont rien donné. Même la baklava vient des Grecs.
Le rugissement des Iraniens fait encore plus trembler les vitres.
– Nous, dans un Institut du monde arabe ? Mais ce sont eux qui devraient avoir un cagibi dans un Institut du monde iranien. Nous leur avons tout donné. Avicenne, Ibn al Muqaffa’, l’architecture, Kalila wa Dimna, tout ça, c’est nous. Votre Ibn Khaldoun lui-même n’a-t-il pas écrit : « La majorité des savants musulmans étaient des Iraniens » ?
Évidemment, arrivé à ce point de la controverse, le Hollandais de base a complètement perdu les pédales.
Il existe un autre groupe, tout aussi farfelu, qui essaie de monter un IMA hollandais autour d’une mosquée d’Amsterdam-Ouest. Quand on leur en demande la raison, ils répondent : c’est pour que les jeunes Arabes viennent faire connaissance avec leur religion. Là encore on constate que bonne volonté et ignorance font un mélange détonant. En effet, plus de huit mille coptes Égyptiens et plus de vingt mille chrétiens venus de Syrie ou d’Irak habitent aux Pays-Bas. Ceux-là, à la différence des Rifains, se définissent vraiment comme des Arabes. On les imagine alors reçus à la porte de leur Institut par un imam musulman, affable ou inquisiteur, selon l’humeur du moment… Tout cela n’est pas très sérieux.
Enfin, parmi les groupes qui s’agitent, il y a les opportunistes de tout poil qui se fichent pas mal de savoir si c’est un Institut du monde arabe, des Mèdes et des Perses, des Turcs ou des Rifains qui voit le jour, du moment que cela devient leur sinécure. Pour cette raison, on peut être sûr que l’affaire se fera, tôt ou tard. Mais sera-t-elle un succès, comme son homologue parisien ? Ça, c’est une autre histoire…

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