Banques tunisiennes : encore un effort…

Lancée il y a dix ans, la réforme du système bancaire a porté ses premiers fruits. Mais comment rendre les opérateurs encore plus compétitifs ? Des professionnels ont planché récemment sur la question.

Publié le 31 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

La Tunisie dispose d’un système bancaire relativement développé avec, notamment, un taux de bancarisation parmi les plus élevés d’Afrique. Mais ce système est fragilisé par des carences qui l’empêchent de contribuer davantage à l’effort économique du pays. Parmi ces carences : un niveau élevé de créances douteuses, un retard dans l’intégration des NTIC ainsi que des lenteurs bureaucratiques héritées d’une tradition de dirigisme étatique. Hassen Zargouni, président de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge) – qui a organisé, le 21 juillet, à l’hôtel Sheraton, à Tunis, en partenariat avec la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CFTCI), son 14e forum annuel sur « la compétitivité du système financier tunisien » – en a identifié, pour sa part, deux autres. Le système est dominé par les banques de dépôts et n’a entamé sa mise à niveau que sous la pression de l’autorité de tutelle, la Banque centrale de Tunisie (BCT). Conséquence en forme de diagnostic de Philippe Amestoy (UIB, Groupe Société générale) : « Le Tunisien n’a pas encore le niveau de service bancaire qu’il mérite et auquel l’habilite son niveau de développement. »
« Sur les 19 établissements bancaires que compte le pays, 10 banques commerciales totalisent 90 % des actifs. Parmi elles, 3 publiques [STB, BNA et BH] accaparent 45 % de parts de marché », a fait remarquer, de son côté, Mohamed Rekik, de la BCT. Le secteur se caractérise aussi par sa complexité, puisqu’il compte des banques offshore, des banques d’affaires, des banques généralistes, ainsi que des sociétés de leasing et de factoring… Cette configuration n’est pas sans incidences : concurrence tarifaire, propagation du risque, positionnement difficile dans un marché exigu…
L’expert a évoqué d’autres indicateurs qui traduisent le retard enregistré par le système tunisien. Ce dernier totalise, par exemple, 3 millions de comptes courants pour 10 millions d’habitants (soit un rapport de 1,3 pour 3), contre 60 millions de comptes pour autant d’habitants en France. La Tunisie compte aussi 1 carte bancaire pour 10 habitants, alors que cette proportion s’établit, en Belgique, pays de même population, à 1 pour 1.
Autre indice traduisant un développement insuffisant : l’actif total des banques équivaut au PIB du pays, alors qu’il devrait être, selon les normes, au moins 1,5 à 2 fois plus important.
Pour corriger ces faiblesses, les pouvoirs publics ont mis en route, à partir de 1994, par le biais de la BCT, une série de réformes, dont les principaux axes sont la mise en place d’un dispositif de paiement rapide et sécurisé (télécompensation, monétique, banque à distance…), ainsi que d’un système de contrôle fondé sur des normes prudentielles et des règles de solvabilité assez sévères. « Plus sévères même que les ratios Cooke internationalement admis », a renchéri Chakib Nouira, PDG de la BIAT, première banque commerciale du pays.
À la fin de 2004, les efforts déployés par la BCT et les opérateurs ont commencé à porter leurs fruits. Selon Taoufik Baccar, gouverneur de la BCT, qui a ouvert le forum, les « actifs accrochés » ont été ramenés à 12 % du PIB [après avoir plafonné à plus de 20 %], et le taux de couverture des créances par des provisions a été augmenté de 2 points, l’objectif étant d’atteindre un taux de 70 % en 2009.
Le gouverneur a indiqué que son institution a subordonné toute distribution de bénéfices de la part des banques à une résorption totale des insuffisances de provisions, mesure qui a été bien accueillie et, surtout, bien appliquée par les opérateurs. Taoufik Baccar a ensuite annoncé une seconde génération de réformes du système bancaire qui devraient lui assurer une meilleure convergence vers celui des pays de l’Union européenne.
Ahmed Belaïfa (Conseil de l’ordre des experts-comptables de Tunisie, Coect) a dressé, cependant, au cours du débat, un tableau beaucoup moins reluisant. « Après deux années de crise, on avait espéré une reprise en 2004. Or, l’année dernière, les résultats nets de l’ensemble du secteur ont enregistré une forte baisse : – 13 %. »
Pour rester compétitive dans un environnement économique ouvert, les banques doivent donc encore améliorer leurs services, diversifier leurs produits, moderniser leur système d’information, augmenter leur taux d’encadrement et réduire leurs coûts fixes. Les mouvements de privatisation et de fusion-acquisition-concentration devraient aider l’ensemble du système à s’ouvrir davantage à l’international afin d’accompagner dans de meilleures conditions les opérateurs locaux dans leurs activités extérieures.
Évoquant l’exemple du Maroc, qui, en moins de dix ans, a vu le nombre de ses banques passer de 15 à 9, Bassim Jai Hokimi (Atlamed) a expliqué que « ce mouvement de concentration n’a pas renforcé l’oligopole bancaire ». Au contraire, « il a enrichi le paysage par l’arrivée d’acteurs étrangers et créé une meilleure concurrence entre les opérateurs ». Exemple à méditer…

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