Ahmed al-Maanouni

Cinéaste marocain

Publié le 31 juillet 2005 Lecture : 3 minutes.

En 1978, Alyam Alyam (« Ô les jours ») est l’un des premiers films marocains présenté à Cannes, dans la section « Un certain regard » alors toute fraîchement créée. Son réalisateur ? Un jeune inconnu de 34 ans, Ahmed al-Maanouni, qui n’avait jusque-là tourné qu’un documentaire sur le festival de Tabarka en Tunisie.
Près de trente ans plus tard, Alyam Alyam n’a pas pris une ride tant dans sa forme, d’une moderne sobriété, que dans son propos, cette fameuse tentation de l’exil qui ne cesse de hanter les cinématographies des latitudes Sud, de Nouadhibou en passant par Tarfaya ou Tijuana.

Comment est né ce film ? Ahmed al-Maanouni, qui avait d’abord entamé des études en sciences économiques à Paris avant de tâter du théâtre, venait tout juste de sortir de l’Institut national supérieur des arts du spectacle (Insas) de Bruxelles. « Lors d’un séjour au Maroc, j’ai rencontré des ouvriers agricoles dans la grande banlieue de Casablanca. Tout est venu de là », se remémore le cinéaste qui vit aujourd’hui entre Casablanca, la ville où il est né en 1944, et Paris.
« J’ai été très marqué par les « ateliers de travail sur la culture du pauvre » animés par Ghislain Cloquet », poursuit Maanouni. Ce cinéaste belge lui a donné le goût d’aller voir et de montrer des lieux où a priori il ne se passe pas grand-chose, et cela donnera Alyam Alyam. « Ce film constitue une étape importante dans ma carrière, car il m’a donné confiance. J’ai été très surpris de recevoir le Grand Prix au festival de Mannheim en 1979, mais tout aussi étonné par l’immense succès populaire du film au Maroc et par les réactions du public qui constituent la plus belle des récompenses », confie le réalisateur.
Si Alyam Alyam a trouvé un tel écho auprès des spectateurs, c’est parce qu’il raconte le désarroi d’Abdelwahab, qui incarne à lui seul toute une génération de jeunes paysans qui en ont assez de trimer et rêvent de cieux plus cléments et de lendemains meilleurs. Avant de donner la parole au personnage principal, qui a d’ailleurs immigré dans le sud de la France peu après le tournage, le film s’ouvre par la chanson du mythique groupe Nass el-Ghiwane à laquelle il doit son titre.
Ce morceau sonnera d’ailleurs comme une prémonition puisque le deuxième film que réalisera Ahmed al-Maanouni, Transes (1980), plongera dans l’univers de cette formation « politico-musicale » qui continue aujourd’hui encore d’inspirer la nouvelle génération de musiciens. Le réalisateur américain Martin Scorsese confie pour sa part n’avoir pensé aux images de La Dernière Tentation du Christ qu’après avoir entendu un « groupe marocain qui s’appelle Nass el-Ghiwane » dans Transes !

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Si les débuts de Maanouni laissaient entrevoir un parcours jalonné d’autres chefs-d’oeuvre de la trempe de Alyam Alyam, la suite sera, de l’aveu même du réalisateur, « assez modeste ». Au hasard des rencontres et parce qu’« il faut bien vivre », il tournera plusieurs films institutionnels et autres documentaires historiques, dont l’un sur les goumiers marocains en 1992 et un autre sur le règne du roi Mohammed V. À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Maroc, il prépare une trilogie sur le protectorat.
Maanouni a par ailleurs été directeur de la photographie pour de nombreux films, dont Une brèche dans le mur (1977) de Jilali Ferhati, Queen Lear (1979) de Mokhtar Chorfi, ou Illusions (1981) de Julie Dash.

A-t-il pour autant renoncé à la fiction ? Certainement pas ! Plusieurs scénarios (Les Nuits de Casablanca, La Légende de Moha et Ito, pour ne citer que ceux-là) dorment dans ses tiroirs et n’en sortiront probablement pas faute de financement. Coeur brûlé, sa dernière réalisation, encore au montage, a miraculeusement vu le jour parce qu’Ahmed al-Maanouni a décidé de produire lui-même ce film qui est un « retour sur l’enfance ». « Je l’ai tourné en cinq semaines avec très peu de moyens, dans les conditions d’un premier film. » Souhaitons-lui de renouer avec le succès d’Alyam Alyam.

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