Le diplomate, l’enragé et le zélote

Publié le 30 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Même si elle est la seule – et au prix de quelles contorsions sémantiques – à tenter de replacer ce qui n’est qu’un pur et simple alignement de la politique américaine sur celle d’Israël dans le cadre de la vision bushienne du « Nouveau Moyen-Orient » (elle est allée jusqu’à comparer la guerre actuelle aux « douleurs prénatales » d’un accouchement !), Condi Rice est loin d’être l’unique architecte de la stratégie proche-orientale de Washington. Plus ou moins dans l’ombre, deux personnalités, qui n’ont ni son goût pour la diplomatie, ni sa retenue médiatique, ni son néoconservatisme modéré, jouent un rôle clé. L’ineffable John Bolton tout d’abord. L’ambassadeur américain à l’ONU dépend en théorie de Rice, mais chacun sait qu’il lui échappe depuis le premier jour. Florilège de ses dernières déclarations sur le sujet : « Un État démocratique ne négocie pas avec un gang de terroristes » ; « La Syrie n’a pas besoin de dialogue pour savoir ce qu’elle doit faire », et, en guise de point d’orgue, ceci : « Ce serait une erreur que d’établir une équivalence morale entre des civils [israéliens] tués par des actions terroristes et des civils [libanais] tués dans le cadre d’une opération de légitime défense ». Lorsque Bolton s’agite à Manhattan, un autre personnage, plus inquiétant encore, s’active dans les coulisses de la Maison Blanche. Numéro deux du Conseil national de sécurité et néoconservateur acharné tendance Michael Leeden ou Bill Kristol, Elliott Abrams est le « monsieur Moyen-Orient » de George Bush : son rôle est donc capital. Cet avocat juif proche de l’aile dure du Likoud (celle de Netanyahou) a des idées tranchées sur la question. À ses yeux, l’équilibre reviendra dans la région le jour où un Israël surpuissant et une Turquie délestée de ses islamistes auront mis la Syrie sous tutelle. Quant aux Palestiniens, leur destin est d’aller vivre en Jordanie, en Égypte ou ailleurs puisque le vrai conflit n’est pas entre Israël et eux, mais entre Israël et l’ensemble des Arabes
La Pasionaria du département d’État, le tonitruant moustachu de l’ONU et le « néocon » intégriste du NSC appellent tous à cor et à cris, de concert avec Ehoud Olmert et son gouvernement, à l’application immédiate et intégrale de la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies stipulant le désarmement et la dissolution du Hezbollah. En principe, on ne saurait les en critiquer. En réalité, il s’agit là à la fois d’une première et d’un chef-d’uvre d’hypocrisie diplomatique, les Israéliens ayant pris pour habitude depuis 1947 (et la fameuse 181 partageant la Palestine en deux États) de ne jamais appliquer les résolutions de l’ONU les concernant, qu’elles émanent de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité. Dans la plupart des cas (une vingtaine au total), les Américains ont voté contre ou se sont abstenus. Sauf, évidemment, quand il s’est agi de s’exprimer, le 11 décembre 1948, en faveur de la résolution 273 admettant Israël comme membre de l’ONU.

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