Du bon usage de l’ethnie

Quand vingt universitaires africains mettent en garde contre les dangers que les « fondamentalismes identitaires » font courir à leurs pays.

Publié le 30 juillet 2006 Lecture : 2 minutes.

Le discours intégrationniste distillé au lendemain des indépendances avait constitué la charpente essentielle du projet politique des nouveaux pouvoirs africains. Alors que la charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) consacrait le sacro-saint principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, il importait de créer une mystique identitaire susceptible de neutraliser les forces centrifuges déjà en action dès le début des années 1960, en particulier dans la province du Katanga de l’ex-Congo belge.
Trois décennies plus tard, le génocide rwandais a démontré que cet échafaudage n’avait été qu’un jeu de dupes auquel avaient participé non seulement la classe politique, mais aussi les intellectuels et les élites. Le « thème obsessionnel » de l’identité est partout présent : Côte d’Ivoire, Sénégal, Tchad, République démocratique du Congo, Cameroun, Nigeria, Soudan, Mauritanie, Éthiopie, Guinée équatoriale, etc.
Après le génocide rwandais d’avril 1994, l’exercice auquel se sont adonnés vingt universitaires africains travaillant dans des disciplines scientifiques très diverses a été de mener une réflexion approfondie autour des constructions identitaires en Afrique. Le résultat de leurs travaux, présenté à l’occasion de plusieurs colloques et conférences, vient d’être rassemblé dans un ouvrage qui servira probablement de référence à toute étude sur l’interculturalité et la formation des identités en Afrique.
Des idées préconçues sont passées au crible de l’analyse, et c’est à juste titre que David Simo, universitaire camerounais ayant dirigé ces travaux, met en garde contre « le danger que les « fondamentalismes identitaires » font courir à l’Afrique », rappelant que « le Rwanda n’était que le pic monstrueux d’une secousse qui continue d’ébranler plusieurs régions d’Afrique ».
Plusieurs pistes de réflexion sont ici ouvertes. Le philosophe Marcien Towa, par exemple, se demande si la communauté internationale, « qui entend faire régner partout la démocratie et l’État de droit » ne devrait pas constituer un « recours salutaire pour les ethnies en détresse à l’intérieur des États tyranniques tentés par le génocide ou l’épuration ethnique ». Il en appelle également à la décentralisation afin que les ethnies gèrent elles-mêmes leurs affaires à l’intérieur des collectivités jouissant d’autonomie.
David Simo conclut en rappelant la responsabilité des élites qui utilisent le pouvoir « de la manière la plus violente qui soit pour mater les concurrents, les éliminer pour tout s’arroger ».

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