Chirac, le bon sens et la crise

Publié le 30 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Reprenant la célèbre formule de De Gaulle qui volait vers l’Orient compliqué avec des idées simples, Jacques Chirac reconnaît aujourd’hui que ses propres idées sur la région se sont « complexifiées ». C’est le moins qu’on puisse dire. Et c’est ce que vérifie l’échec de la conférence de Rome, favorable à une trêve mais incapable de définir et d’imposer un cessez-le-feu. À Paris, cependant, le chef de l’État exposait dans une longue interview au Monde son plan pour sortir de la crise. Un plan à la française, où ne manque aucun détail ni argument, illustré par une vaste fresque géopolitique, mais dont la lecture laissera sans doute perplexe bien des chancelleries. Il suppose en effet réglés, ou en tout cas réglables, chacun à leur tour et les uns par les autres, tous les problèmes conflictuels dont l’aggravation inexorable a provoqué le retour de la guerre. Cela l’amène, lui qui a si souvent dénoncé les « il n’y a qu’à » en politique intérieure, à multiplier les « il faut que » pour donner une apparence de logique crédible à ses propositions. Il faut qu’Israël comprenne « qu’il n’y a pas de solution militaire », alors que pour ses dirigeants et leurs alliés américains il n’y a pas d’alternative à la victoire totale sur le Hezbollah. Que le Hezbollah, « qui siège au gouvernement de Beyrouth », se désarme lui-même et « se transforme en force politique », alors que son chef Hassan Nasrallah, fort de ses premiers succès contre Tsahal, menace de lancer sur Jérusalem ses prochains missiles plus précis et plus puissants. Que la Syrie « renonce à se venger du Liban », alors que c’est probablement elle, reconnaît Jacques Chirac, qui fournit ou achemine les nouveaux missiles du Hezbollah. D’un bout à l’autre de l’entretien, jalonné de « je souhaite » et « cela suppose », le président tantôt précise tantôt « imagine » les conditions d’une réconciliation générale où il inscrit déjà la perspective d’un retrait militaire américain de l’Irak. Il se déclare persuadé « qu’on peut discuter avec l’Iran », sans préciser comment concilier « le droit de ce grand pays à compter dans la région » avec le serment de son président de « rayer Israël de la carte ». Ni comment renouer avec Téhéran « des relations normales » quand le pouvoir des Mollahs, engagé sans retour dans une logique d’affrontement avec l’Occident, réaffirme qu’il ne cédera pas « d’un iota » sur le développement de son programme nucléaire.
On ne voit pas très clairement non plus dans le plan Chirac ce qui relève de la condition préalable et de l’objectif à atteindre. Il prévoit ainsi trois étapes pour la sortie de crise libanaise : un cessez-le-feu, un engagement politique et une force internationale. Mais il semble considérer par ailleurs qu’on ne pourra arrêter les combats sans un début de règlement politique. Même imprécision pour la force internationale. À son mandat qui devrait être « soigneusement élaboré », il fixe pour « objectif politique » le recouvrement par le gouvernement libanais de sa pleine souveraineté sur l’ensemble du territoire, et donc le désarmement éventuel du Hezbollah par l’armée nationale libanaise. En même temps, il fait de ce retour à la légalité « la condition sine qua non » de la création de la force, excluant au passage qu’elle soit confiée à l’Otan.
On devine entre les lignes que le chef de l’État, malgré l’assurance de ses propos, ne se fait guère d’illusions sur leur chance d’être entendus. Interrogé d’ailleurs sur les moyens de la France de faire prévaloir son scénario, il trouve cette seule réponse : « le bon sens ». Tragique évidence quand s’alourdit chaque jour le bilan des apocalypses. Et conclusion logique de l’analyse présidentielle. Elle suppose là encore remplie, entre toutes les conditions de la paix, celle qui est à la fois la plus nécessaire mais la plus étrangère à cette terre de toutes les passions.

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