Quand le Nigeria bégaie

Publié le 30 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

La tentative du Président Olusegun Obasanjo d’amender la Constitution et d’être candidat à un troisième mandat présidentiel sème la confusion dans son pays. Les observateurs s’inquiètent de l’éventualité pour le Nigeria (un des principaux exportateurs de pétrole du monde) de tomber dans une crise politique qui ajouterait de significatives pressions haussières aux prix mondiaux de l’énergie.
À la fin du régime militaire en 1999, les gouverneurs des provinces septentrionales du Nigeria, à majorité musulmane, acceptèrent l’arrivée d’Obasanjo, méridional et chrétien, à la tête de l’État. À la condition implicite que la présidence tournerait ultérieurement au bénéfice d’un dirigeant du Nord. La Constitution interdit aux présidents de briguer plus de deux mandats de quatre ans et les gouverneurs du Nord entendent exercer leur droit à promouvoir l’un des leurs à la présidence en 2007. Mais ceux du Sud font valoir que le Nord a gouverné le pays pendant plus de trente ans de dictature et que la présidence devrait rester à un homme du Sud.
Obasanjo n’a pratiquement rien dévoilé de ses projets, mais ses actes commencent à le trahir. Il a récemment montré sa détermination à isoler ceux qui s’opposeraient à sa troisième candidature. De fait, ses opposants se sont rangés en ordre de bataille.

La rivalité qui oppose Obasanjo au vice-président Atikou Aboubakar, un musulman du Nord aux ambitions présidentielles, vient d’éclater au grand jour. Le 5 avril, le président a fait mettre en accusation devant la justice un bon nombre des collaborateurs d’Aboubakar et les forces de sécurité ont empêché le vice-président d’assister à une réunion prévue avec les dirigeants de l’opposition. Le lendemain, un porte-parole du président a publiquement demandé à Aboubakar de réaffirmer sa loyauté envers Obasanjo ou de démissionner. Le 7 avril, Aboubakar a renvoyé la politesse en appelant Obasanjo à se retirer.
À ce jour, les États-Unis et le Royaume-Uni, les principaux soutiens internationaux d’Obasanjo, n’ont pratiquement rien fait pour l’inciter à renoncer à une troisième candidature. Ils le considèrent comme le plus progressiste des dirigeants nigérians en termes de politique économique, et, de surcroît, comme un gage de stabilité politique. Sur le second point, il semble bien qu’ils se soient trompés sur son compte.
Obasanjo a finalement très peu de chances d’obtenir la majorité des deux tiers qui lui sera nécessaire dans les deux chambres pour amender légalement la Constitution, ce qui peut l’obliger à renoncer à son projet. Et s’il lui venait à l’esprit de poursuivre le jeu politique par d’autres moyens ? Il pourrait bien conduire le Nigeria à la guerre civile Dans les deux cas, le Nigeria – et tous ceux qui dépendent de ses exportations de pétrole – risque de traverser une zone de sérieuses turbulences dans les prochains mois.

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* Ian Bremmer est président de Eurasia Group. Il enseigne à l’université Columbia.

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