Bénin : la petite ferme modèle
Près de Porto-Novo, le centre Songhaï aide les exploitants à mieux produire et à mieux vendre. Un système qui essaime au-delà des frontières du pays.
« Dans la nature, tout se transforme. Il suffit de reprendre ce principe et de l’appliquer à l’agriculture, et vous voyez, ça marche ! » Lunettes de soleil perchées sur le nez, le père Godfrey Nzamujo, 64 ans, armé d’un long bâton de pèlerin, fait arpenter le centre Songhaï à une demi-douzaine d’ingénieurs américains de passage au Bénin. Située à Porto-Novo, la capitale, la « petite » exploitation agro-industrielle est devenue un modèle que l’on se presse de visiter. Car derrière le restaurant et le magasin bios qui accueillent les clients et vendent biscuits, jus, épices, savons, farines sous le label du centre, c’est une solide chaîne de production, de transformation et de commercialisation qui s’est développée.
Songhaï, créé en 1985 par le prêtre dominicain, axé sur la production, la formation et la recherche, avait pour but de prouver qu’avec un peu d’ingéniosité et de bonne volonté on peut produire de tout et en grande quantité sur de petites surfaces. « On sait que la majorité des Africains vit dans les zones rurales. Aussi, renforcer leurs capacités de production, c’est lutter plus efficacement contre la pauvreté, explique le père. C’est ce qu’on démontre chaque jour. »
Pas de perte
Et il suffit de parcourir les allées du centre pour s’en rendre compte. Ici, rien ne se perd, tout se transforme. En guise d’engrais, un compost produit à partir de déchets végétaux de l’exploitation, mûrit, tranquillement entassé sous des branches de palmier ou de bananier, avant d’être utilisé dans les champs de l’exploitation ou conditionné pour être revendu aux agriculteurs locaux. « C’est un engrais naturel, sain, et facile à faire pour chaque agriculteur », explique le père Nzamujo, Même approche pour la pisciculture. Les bassins sont alimentés en eau recyclée via un système de canaux assez simple. L’eau passe par un premier bassin, où des jacinthes la purifient et l’alimentent en planctons, avant de rejoindre les bassins suivants, où grandissent les alevins. Et comme rien ne se perd, les jacinthes fanées sont à leur tour collectées pour être mélangées aux déjections des volailles afin de servir à la fabrication de biogaz (principale énergie renouvelable produite par le centre avec le solaire), lequel alimente les cuisines du centre.d'Avray" class="caption" style="margin: 3px; border: 0px solid #000000; float: right;" />
Il y a aussi l’atelier de ferronnerie, où Godfrey Nzamujo met à profit ses diplômes d’ingénieur : c’est là que, à partir de métaux de récupération, sont conçus les matériels agricoles dont le centre a besoin, mais aussi des broyeuses et moulins vendus sur les marchés – deux fois moins chers que les produits importés. Enfin, dernière acquisition en date, une unité de fabrication d’emballages plastique permet de produire des seaux et des corbeilles, ainsi que des bouteilles utilisées par le centre pour le conditionnement de ses jus de fruits.
Personnalités
Pour faire tourner cette fourmilière, 450 employés et étudiants. « Au début, le centre devait former des jeunes ruraux et leur donner les moyens de se prendre en charge, explique le père Nzamujo. À présent, ce sont des ingénieurs agronomes diplômés qui viennent d’un peu partout pour se perfectionner. » Notamment du Liberia, du Congo, de la Sierra Leone, du Rwanda… Sans compter les sites satellites qu’il a développés dans plusieurs régions du pays.
Déclaré centre d’excellence pour l’agriculture par les Nations unies, le Songhaï est devenu l’un des passages obligés des personnalités politiques en visite au Bénin. Il y a eu le président rwandais, Paul Kagamé, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon (« qui a célébré ici même son anniversaire », se souvient, ravi, Godfrey Nzamujo) et dernièrement le président ivoirien, Alassane Ouattara. Le prêtre, lui, continue de faire le tour de l’Afrique pour promouvoir le modèle du centre. Celui d’une agro-industrie biologique, capable de s’adapter à tous les défis de demain, celui d’« une Afrique qui relève la tête ».
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