Bénin : Maria-Gléta, la centrale qui ne tourne pas rond
Il aura fallu attendre quatre ans avant qu’elle puisse enfin entrer en production. Mais vu le coût de production du kilowattheure, on préfère ne plus la faire tourner…
Face à la dépendance énergétique endémique du Bénin vis-à-vis du Ghana et du Nigeria, Boni Yayi décidait dès 2006 de faire construire une centrale thermique mixte (gaz-carburant). Son chantier a commencé en 2008 sur le site de Maria-Gléta, à Abomey-Calavi, près de Cotonou. Construite par la société américaine Combustion Associates Inc. (CAI) pour 40 milliards de F CFA (61 millions d’euros) entièrement financés par l’État sur fonds propres, elle doit augmenter la puissance installée du pays de 80 MW, sur les 200 MW nécessaires pour satisfaire les besoins béninois. Mais il y a un hic : au lieu des six mois prévus, il aura fallu quatre ans pour que la centrale puisse enfin tourner, mi-février. Encore le fait-elle bien en dessous de la capacité attendue, puisque seules quatre turbines sur huit ont été réceptionnées, pour une puissance moyenne de 8,5 MW. Sans parler du coût de production qui, au final, met l’infrastructure hors circuit.
Experts
« Nous sommes en droit de penser à un nouvel éléphant blanc », s’indigne un député de l’opposition. « Faux ! rétorque le ministre de l’Énergie, Barthélémy Kassa. Le gouvernement est mobilisé sur le projet, et le président exerce les pressions nécessaires pour que toutes les turbines soient livrées et fonctionnent. Ils ont encore deux mois pour livrer le reste. »
En l’occurrence, le plus dur et le plus long semble passé, à savoir le montage du projet, avec ses contraintes et ses nombreux intervenants : la synchronisation avec le réseau de la Communauté électrique du Bénin (CEB, société chargée des infrastructures électriques communes au Togo et au Bénin) ; la mise en conformité avec les exigences du Bureau national d’études techniques et de développement (BNEDT, bureau d’ingénierie ivoirien chargé du contrôle du projet) ; le temps nécessaire à la CAI pour former les techniciens de la CEB et de la Société béninoise d’énergie électrique (SBEE). Sans oublier la recherche, après que des sociétés nationales ont été écartées pour manque d’expertise, d’un assureur (le britannique Lloyds) pour les essais et la mise en service.
Un complexe hydroélectrique de 135 MW sera construit sur le fleuve Ouémé et livré en 2016.
Les experts du BNEDT et de la CAI ont relevé des chutes de puissance, qui vont être corrigées, au niveau des turbines 1, 2 et 4. Quant à l’unité de production numéro 3, ses essais ont été suspendus jusqu’à réparation des dégâts causés par l’explosion de l’accumulateur de pression le 7 janvier dernier.
Délestages
Reste l’énorme problème du coût de production. Le Bénin n’étant pas producteur de gaz, il devra en importer du Ghana, mais le projet de gazoduc ouest-africain, qui permettra d’approvisionner le site, stagne. En attendant, les turbines de Maria-Gléta tournent donc au carburant, pour un coût de production moyen au kilowattheure (kWh) de 225 F CFA, contre 160 F CFA s’il était produit au gaz. Résultat : la CEB refuse de l’intégrer dans son dispositif puisque le prix de cession au consommateur pratiqué par son client, la SBEE, de 165 F CFA actuellement, grimperait à… 465 F CFA/kWh.
« Nous restons en discussion avec la CEB pour exploiter cette installation ne serait-ce qu’à temps partiel, le temps de construire et mettre en service la nouvelle centrale hydroélectrique, au coût de production moindre et dont le financement vient d’être bouclé par le chef de l’État », explique Barthélémy Kassa. En effet, lors de sa visite en Turquie du 13 au 15 mars dernier, Boni Yayi a obtenu un accord de prêt d’un montant de 300 millions de dollars (231,9 millions d’euros) d’Exim Bank Turquie. Il financera la construction d’un complexe hydroélectrique d’une puissance de 135 MW sur le fleuve Ouémé, dans la région de Kétou-Dogo (Sud), dont la livraison est prévue en 2016. En attendant, les délestages ont repris et les Béninois subissent trois à six heures de coupure chaque jour. « Une situation qui constitue évidemment un très sérieux frein à l’investissement dans le pays », explique François Chalereau, responsable d’une entreprise française à Cotonou.
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