Bénin : la grande déception économique
Malgré quelques progrès (sagesse budgétaire, inflation, coton…), la croissance ne décolle toujours pas.
Le Bénin fait le grand écart. Lui que l’on appelait le Quartier latin de l’Afrique tant les intellectuels patentés y abondaient depuis l’époque de l’ancien Dahomey, lui qui donne à ses voisins des leçons de démocratie, fonctionne tant bien que mal avec une économie médiocre.
Certes, des progrès y ont été obtenus. « L’amélioration de la production de coton est notable, souligne Volker Treichel, chef économiste pour le Bénin à la Banque mondiale. Elle est passée d’un peu plus de 135 000 tonnes de coton-graine il y a deux ans à près de 300 000 t pour la campagne en cours, selon les estimations officielles. De même, le port de Cotonou a réduit à la fin de 2012 les délais d’importation de vingt jours à six ou sept jours grâce au guichet unique des douanes et à d’autres améliorations au niveau des procédures d’importation. » Par ailleurs, le gouvernement est sage en termes de budget et la dette extérieure publique ne dépasse pas les 17 % du PIB quand, en Europe, on excède allègrement les 80 %. Le taux d’inflation, qui a poussé jusqu’à près de 7 % en 2012 sous l’effet de la suppression des subventions nigérianes au pétrole massivement importé en fraude, devrait redescendre à un peu plus de 3 % cette année.
Il n’empêche que le Bénin ne semble pas prêt à décoller. Avec un taux de croissance qui plafonne à 3,5 %, bien en dessous de celui de ses voisins, il ne parvient pas à faire reculer la pauvreté. Si les comptes publics sont assez équilibrés, c’est parce que les dépenses de fonctionnement excessives sont compensées – si l’on peut dire – par la non-réalisation des budgets d’investissement, dont ceux destinés aux services sociaux. Les infrastructures (réseaux électriques ou routes) qui apporteraient mieux-être et pouvoir d’achat dans les zones délaissées tardent à voir le jour, les appels d’offres traînant interminablement.
Ne produisant pas grand-chose hormis le coton et l’huile – qui part en contrebande au Nigeria -, le Bénin est une annexe de son grand voisin, à qui est destinée la moitié des importations passant par le port de Cotonou et, notamment, les volailles congelées, les voitures d’occasion et les textiles, selon le Fonds monétaire international. Cette proximité et les trafics transfrontaliers en tout genre tirent l’économie béninoise vers l’informel. Par exemple, les grandes compagnies pétrolières se sont retirées de ce pays qui importe du Nigeria, en fraude et dans des récipients improbables, 85 % de sa consommation d’essence.
La gouvernance laisse aussi à désirer. Mettons de côté l’annonce en 2012 d’une tentative d’empoisonnement du président Boni Yayi et donc de coup d’État, ainsi que la brouille entre celui-ci et son ancien proche, l’homme d’affaires Patrice Talon. Les accusations volent bas et il est difficile d’y voir clair. Limitons-nous aux conséquences économiques de cette rupture.
Coup de balai
A posteriori, il est stupéfiant de constater que le chef de l’État avait laissé Patrice Talon contrôler les deux « poumons » du pays, à savoir le coton, qui rapporte 45 % des recettes fiscales et 80 % des recettes d’exportation, et le port de Cotonou, dont on dit qu’il représente un pactole de 2 milliards de dollars (1,5 milliard d’euros) par an. En chassant du coton et du port son ancien ami en avril 2012, le président signifiait-il qu’il regrettait d’avoir aliéné une partie de la richesse de son pays ? Ou bien cette éviction économique signait-elle la disgrâce politique d’un homme auquel il devait trop, ayant été élu grâce à son aide en 2006 et 2011 ?
Quelle que soit sa motivation, le coup de balai était salutaire et il faut espérer que le gouvernement confiera coton et port à de vrais professionnels, afin de les préserver tous deux de la corruption généralisée qui ronge le pays. Dans ce domaine, le Bénin ne surpasse peut-être pas le Cameroun d’il y a dix ans et ses turpitudes, mais une bonne partie de ses acteurs économiques ont pris l’habitude de détourner, truquer, fausser et voler. Une forme pathologique de l’informel qui vaut au pays de se trouver relégué à la 175e place des 185 pays classés par la Banque mondiale selon leur climat des affaires en 2013.
Le gouvernement béninois tentera dans quelques semaines de séduire à Paris les investisseurs internationaux. Pour cela, il lui faudra leur donner des gages sérieux en matière d’alimentation en électricité, comme en matière d’impartialité de la justice. Il reste à peine trois ans à Boni Yayi pour procéder à la remise en ordre des moeurs économiques de son pays avant la fin de son mandat. La croissance en dépend.
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