Condi Rice, d’Ankara

Publié le 30 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Condoleezza Rice a su se faire désirer. Plusieurs fois différée, sa visite en Turquie (26-27 avril) a été entourée de mystère. Pour des raisons de sécurité, l’emploi du temps de la secrétaire d’État américaine, qui a d’abord fait escale à Athènes, est resté flou jusqu’au dernier moment. Et pour cause : elle devait ensuite se rendre en Irak. La guerre, justement, a sérieusement affecté les relations américano-turques. Un sondage publié le 7 avril révèle qu’une majorité de Turcs considère que ce sont les États-Unis (leur allié dans l’Otan !) qui constituent la principale menace extérieure. Mais si, sur le fond, Rice n’a pas changé la donne, sa personnalité et son style sont pour beaucoup dans l’embellie des relations bilatérales. Ses interlocuteurs, qu’il s’agisse du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, du ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül ou du président Necdet Ahmet Sezer, se sont eux aussi montrés soucieux d’arrondir les angles et les sourires n’étaient pas feints. Le courant semble particulièrement bien passer entre « Condi » et Gül.
Leurs priorités respectives n’en restent pas moins divergentes. Venue faire un point sur l’évolution de l’Irak et s’assurer le soutien d’Ankara sur le dossier du nucléaire iranien, Rice a d’abord dû écouter les doléances de ses hôtes, qui reprochent aux Américains de ne pas les aider dans leur lutte contre les quelque cinq mille guérilleros du PKK [le parti séparatiste kurde de Turquie] repliés dans les montagnes du Nord de l’Irak, accusés de fomenter depuis des mois troubles et attentats dans le sud-est de la Turquie. La recrudescence des violences, à Istanbul et dans plusieurs villes anatoliennes, a causé la mort de dix-sept personnes en avril.
Pour éviter l’infiltration de ces combattants, la Turquie – comme l’Iran – vient d’envoyer quarante mille hommes en renfort à la frontière irakienne. Pour faire monter la pression avant l’arrivée de Rice, elle n’a pas exclu, par la voix de son chef d’état-major, d’intervenir dans ce pays. Il est vrai que le nombre des troupes massées à proximité de l’Irak (entre 220 000 et 250 000 selon la presse nationale, 120 000 de source militaire) donne à réfléchir. Pour ménager la susceptibilité d’Ankara sans s’aliéner le soutien des Kurdes d’Irak, Rice a proposé de mettre sur pied un mécanisme de coopération tripartite dans la lutte anti-PKK. Un vu pieux, sur lequel les Turcs, sans illusion sur la capacité du régime irakien à agir en ce domaine, ne se sont guère attardés, préférant se féliciter des très nets progrès de la coopération avec les services de renseignements américains. Sur l’Iran, la Turquie a réitéré sa position. Elle réprouve l’intransigeance de Téhéran sur le dossier du nucléaire, tout en s’opposant à une intervention militaire ou à des sanctions économiques. Soucieuse d’explorer la voie diplomatique jusqu’au bout, elle devait accueillir Ali Larijani, principal négociateur iranien dans le dossier nucléaire, le 3 mai. Une visite reportée de quelques jours afin que ce dernier ne précède ni ne croise Condi Rice à Ankara

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