Tenzin Gyatso

Quatorzième dalaï-lama

Publié le 30 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Lhamo Dhondrub est né le 6 juillet 1935, à Taktser, dans le nord-est du Tibet. Il a 2 ans le jour où le régent Reting Rinpoché arrive dans cette région de l’Amdo avec, dans ses bagages, des objets ayant appartenu à Thubten Gyatso, le 13e dalaï-lama, décédé en 1933. Le petit Lhamo Dhondrub identifie les objets. Il est reconnu comme le 14e dalaï-lama, le plus haut chef spirituel du Tibet et la réincarnation de son prédécesseur. Son nom complet devient alors Jetsun Jamphel Ngawang Lobsang Yeshe Tenzin Gyatso. Ce qui signifie Saint Seigneur, Douce Gloire, Compassionné, Défenseur de la Foi, Océan de Sagesse. Plus simplement appelé Yeshe Norbu (Joyau accompli) ou Kundun (la Présence).
Tenzin Gyatso aura 73 ans quand la République populaire de Chine accueillera les XXIXes Olympiades. Drapé dans une popularité égale à celle de Nelson Mandela, le dalaï-lama sait que l’occasion est unique pour faire avancer la cause tibétaine. Fin diplomate, il n’a pas attendu le mois d’août pour mettre à profit la tribune que lui offre l’attention médiatique suscitée par les Jeux. En quelques mois, il a réussi le pari d’être reçu par des dirigeants qui, jusque-là, craignaient de froisser la Chine – partenaire économique obligé. En juin 2007, c’est le Premier ministre australien, John Howard, qui l’accueille. Suivi, en septembre, par les chanceliers autrichien et allemand Alfred Gusenbauer et Angela Merkel, puis, en octobre, par George W. Bush himself. La France n’est pas encore certaine de vouloir s’attirer les foudres de la Chine, mais elle y réfléchit. Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et la secrétaire d’État aux Droits de l’homme, Rama Yade, souhaitent le recevoir. Le président Nicolas Sarkozy, lui, « prendra sa décision le moment venu, et en fonction de l’évolution de la situation ». Peu enclin à se formaliser pour de tels détails, Tenzin Gyatso continuera de mener sa lutte pacifique, dans les mois qui viennent comme dans ses vies futures.

Cette lutte non violente a commencé tôt. Considéré comme l’émanation de la divinité protectrice du Tibet – le bodhisattva (être d’éveil) de la compassion Avalokiteshvara -, Tenzin Gyatso entreprend son éducation monastique à l’âge de 6 ans et passe son examen final dix-huit ans plus tard au temple de Jokhang, à Lhassa. S’il ne reçoit le titre de gueshe lharampa (« docteur en philosophie ») que bien plus tard, c’est à 15 ans qu’il devient chef de l’État et du gouvernement tibétains. Dans un contexte difficile : cette année-là, en 1950, la Chine de Mao envahit le Tibet.
Dès le début, le dalaï-lama cherche la « voie du milieu », celle de la négociation. Il rencontre Mao, Zhou Enlai et Deng Xiaoping, avec un seul mot à la bouche : la paix. Mais la Chine durcit sa politique et le peuple tibétain se soulève. En mars 1959, Tenzin Gyatso est contraint de fuir son pays en traversant l’Himalaya. Il s’installe en Inde, à Dharamsala, où le rejoindront quelque 100 000 compatriotes. Le dalaï-lama et son gouvernement en exil se tournent vers l’ONU. Le 21 octobre 1959, l’Assemblée générale adopte une résolution demandant à la Chine de respecter les droits de l’homme au Tibet. Il y en aura deux autres, en 1961 et 1965, jamais suivies d’effets. Parallèlement, Tenzin Gyatso travaille à la mise en place d’une forme démocratique de gouvernement qui aboutira à la promulgation d’une Constitution « pour un futur Tibet libre » en 1991. Et, en 2001, à l’élection d’un Premier ministre au suffrage universel par les exilés tibétains.
En 1979, Deng Xiaoping déclare qu’en dehors de l’indépendance tout est négociable. Cela tombe bien : le dalaï-lama ne demande pas l’indépendance, mais une autonomie réelle du Tibet au sein de la République populaire fondée sur la Constitution chinoise. « Ma position n’a jamais été dirigée contre la Chine. Nos efforts ne visent pas la victoire d’une partie et la défaite de l’autre, mais une victoire mutuelle. » Plus précisément, il propose, depuis 1987, un plan de paix en cinq points : faire du Tibet une zone de paix, mettre fin à la politique chinoise de transfert de population, restaurer les droits fondamentaux et les libertés démocratiques, protéger l’environnement (c’est-à-dire cesser les expérimentations nucléaires comme l’enfouissement des déchets radioactifs) et, enfin, entreprendre des pourparlers « honnêtes » sur l’avenir du pays. Mais Pékin ne l’entend pas de cette oreille. Le dalaï-lama reste, à ses yeux, un « indépendantiste », « un diviseur » à la tête d’une « clique de terroristes ».

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En 1989, l’année des événements de Tiananmen, Tenzin Gyatso reçoit le prix Nobel de la paix. Fidèle à la non-violence – même quand il s’adresse à ses propres partisans -, l’homme est devenu un personnage incontournable qui séduit les politiques comme les artistes et les intellectuels. Pourquoi la Chine se sent-elle toujours menacée par celui qui dit n’être « qu’un simple moine bouddhiste – ni plus ni moins » ? Pour des raisons stratégiques, bien entendu. Le contrôle du Toit du monde est primordial dans la lutte d’influence qui l’oppose à l’Inde. En outre, s’amputer du Tibet historique, ce serait perdre un quart du territoire chinois et ouvrir la porte à des velléités d’indépendance en Mongolie extérieure comme au Turkestan oriental. Enfin, l’Indus, le Mékong, le Yang-Tsé, le fleuve Jaune, le Salouen, le Brahmapoutre et le Sutlej prennent leur source au Tibet. Ce qui offre à la Chine outre de quoi satisfaire des besoins en eau et en électricité, un contrôle potentiel sur plusieurs pays d’Asie.
En 1995, un petit garçon de 10 ans, Gedhun Choekyi Nyima, a été reconnu comme le 11e panchen lama par le dalaï-lama. C’est lui qui, selon la tradition, devra participer à l’identification du 15e dalaï-lama. Les dirigeants chinois l’ont fait enlever et placé en résidence surveillée. Ils clament aujourd’hui qu’il suit une scolarité normale, quelque part en Chine. À sa place, ils ont installé leur 11e panchen lama, espérant – qui sait – que le futur dalaï-lama sera chinois. Les voies de la réincarnation sont impénétrables

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