Épilogue provisoire

Publié le 30 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Mohamed Bacar, le président déchu de l’île d’Anjouan, n’est pas un homme de parole. Avant le déclenchement, le 25 mars, par l’armée comorienne soutenue par des soldats tanzaniens et soudanais de l’opération « Démocratie aux Comores », il avait juré de se battre jusqu’au bout – voire jusqu’à la mort – pour conserver le pouvoir. Au lieu de cela, il a préféré prendre le large et demander l’asile politique à l’île française de Mayotte, embarrassant ainsi Paris, qui a mis des avions de transport de troupes à la disposition de l’armée comorienne.
D’où une flambée de colère populaire aux Comores, mais aussi à Mayotte. « Dans notre imaginaire collectif, commente un journaliste de Moroni, la France passe pour l’ennemi numéro un, qui freine le développement de l’archipel. » Fort du soutien de l’opinion, Ahmed Abdallah Sambi, le président de l’Union des Comores, peut donc savourer sa victoire, même si Bacar a réussi à lui échapper.
L’opération militaire à Anjouan, soutenue par l’Union africaine (UA), soulève quand même une question importante : fallait-il utiliser la force ou continuer de négocier avec Bacar ? L’organisation panafricaine a choisi la manière forte, en dépit des réticences de certains de ses membres, à commencer par l’Afrique du Sud. C’est la première fois qu’elle recourt aux armes pour résoudre une crise institutionnelle dans un pays membre.
Au début de la décennie, déjà, elle avait décrété un embargo contre Anjouan, coupable de velléités séparatistes. Ensuite, elle avait interdit de sommet tout chef d’État arrivé au pouvoir par un putsch. Le premier à se voir appliquer cette mesure – de façon rétroactive – avait été le colonel Assoumani Azali, le chef de l’État comorien de l’époque. Pourquoi les Comores, et elles seules ? « Parce que c’est un tout petit pays », tranche un diplomate. Autrement dit : il est quand même moins risqué d’intervenir dans l’archipel que, disons, au Darfour !
Selon certains observateurs, d’autres considérations ont pu entrer en ligne de compte. En déclenchant l’opération du 25 mars, Jakaya Kikwete, le chef de l’État tanzanien, par ailleurs président en exercice de l’UA, a-t-il tenté de laver un affront ? Il n’aurait, dit-on, pas oublié qu’à l’époque où il était ministre des Affaires étrangères il avait mené à Anjouan une délégation de l’organisation continentale éconduite sans ménagement par les séparatistes Reste à savoir si, pour faire respecter la légalité, l’UA sera désormais contrainte d’intervenir partout militairement. En l’occurrence, il est établi que le débarquement à Anjouan a été imposé par un petit groupe de pays : la Tanzanie, le Soudan, le Sénégal et la Libye
En annonçant la tenue rapide d’une nouvelle élection présidentielle à Anjouan, les autorités comoriennes ont pris le risque de susciter de nouvelles crises. Beaucoup sont convaincus que mieux aurait valu résoudre d’abord, une fois pour toutes, les problèmes posés par l’interprétation – ou l’application – de la Constitution de l’archipel. Les plus pessimistes estiment que, sans réelle redéfinition du cadre constitutionnel, il n’est pas exclu que le futur président soit tenté de défier le pouvoir fédéral. De nombreux litiges attendent des réponses, notamment le partage des compétences entre les dirigeants des trois îles autonomes (Anjouan, Grande Comore, Mohéli) et le gouvernement central. L’organisation du système judiciaire et la nature des forces de sécurité des trois entités – doivent-elles, oui ou non, être pourvues d’armement lourd ? – font également question.
Tout compte fait, si l’on excepte l’état de grâce dont bénéficie Sambi, la chute de Bacar ne change pas grand-chose. Au moins pour le moment. Le chef de l’État est toujours soupçonné par ses détracteurs de vouloir rogner les ailes aux responsables des trois îles en modifiant la Constitution. « La crise anjouanaise lui a permis de remonter la pente et a poussé la population à fermer les yeux sur ses promesses électorales non tenues. Mais, s’il possède d’indiscutables qualités de tribun, il n’a ni le doigté ni l’habileté nécessaires pour résoudre les crises politiques », estime un analyste. D’autant qu’il entretient des rapports notoirement détestables avec Mohamed Abdouloihabi, son ancien directeur de cabinet, aujourd’hui président de l’île de la Grande Comore : les deux hommes ne s’adressent plus la parole. Cela n’augure évidemment rien de bon pour la suite.

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