L’État palestinien ? Un rêve avorté

Publié le 30 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Il n’y a plus le moindre doute que, dans le conflit israélo-palestinien, la solution des deux États relève désormais du domaine de la fiction. Le projet – s’il y en a jamais eu un – est mort et enterré. Certains dirigeants occidentaux, dont le président George W. Bush, font encore semblant de croire à la possibilité d’un État palestinien indépendant et viable coexistant avec Israël dans la paix et la sécurité. Mais leurs gestes contredisent leurs paroles. Il n’y a aujourd’hui aucune pression effective sur l’État juif – que ce soit de la part des États-Unis, de l’Europe ou même des pays arabes – pour le contraindre à mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens, à arrêter l’expansion des colonies ou à accepter la création d’un État palestinien. Or, en l’absence d’une telle pression, Israël ne fera rien. Depuis son émergence sur les ruines de la Palestine arabe, il y a soixante ans, il s’est efforcé d’interdire toute résurgence du nationalisme palestinien. Cette détermination est aussi manifeste aujourd’hui qu’hier. Il continue de nourrir la conviction que toute concession aux Palestiniens – et toute reconnaissance de sa responsabilité dans le sort qui leur est fait – remettrait en question sa légitimité même.

Parler d’un « État palestinien » est donc une cruelle mascarade. Quand le Premier ministre israélien Ehoud Olmert le fait, le cynisme le dispute à l’hypocrisie. Déjà, 40 % de la Cisjordanie ont été dévorés par les colonies israéliennes, les zones militaires, les réserves naturelles, les routes réservées aux Israéliens et la barrière de séparation, construite largement à l’intérieur du territoire palestinien. Le reste est truffé de centaines de postes de contrôle. Jérusalem-Est, cur de la Palestine arabe, est aujourd’hui presque entièrement coupé de ce qui reste de la Cisjordanie par un réseau de colonies juives.
Quand l’Office d’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) a été mis en place, en mai 1950, il a pris en charge quelque 900 000 personnes. Aujourd’hui, il y a environ 4,5 millions de Palestiniens disséminés entre Gaza, la Cisjordanie, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Le million et demi d’habitants de Gaza a été contraint par le siège des Israéliens à mendier son pain. Ils ne survivent que grâce aux dons de l’UNRWA. Combien de temps ce scandale peut-il durer ? L’oppression des Palestiniens par Israël est une violation flagrante du droit humanitaire international, mais on regarde ailleurs. Il est plus facile de condamner la Chine à propos du Tibet.

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La situation actuelle dans les territoires palestiniens soulève deux questions. La première touche au financement. L’UNRWA peut-il trouver les 750 millions de dollars dont il a besoin cette année pour son appel d’urgence ? La réponse est probablement oui. Pour avoir bonne conscience, la communauté internationale va probablement payer, même à contrecur et avec retard. La seconde question incite davantage à la réflexion. Combien de temps les Palestiniens supporteront-ils leurs épouvantables conditions de vie actuelles – et la fin de leur rêve d’État – avant d’exploser ? Certains observateurs prédisent une troisième Intifada, plus violente que les deux premières (en 1987 et en 2000). D’autres sont convaincus que les Palestiniens n’ont plus guère l’envie de se battre. Ils ont été grandement et délibérément affaiblis par le chômage, la sous-alimentation, une économie en ruine, d’énormes difficultés de déplacement, sans parler des fréquents raids israéliens, des assassinats ciblés et de l’incarcération de plus de dix mille d’entre eux. Certes, la répression ne peut pas empêcher toutes les attaques contre les cibles israéliennes, en Israël même ou ailleurs. Mais les flambées de violence occasionnelles des Palestiniens seront immédiatement qualifiées de « terrorisme », condamnées, et vaudront à Israël la sympathie internationale.
Le Hamas, à la frontière de Gaza, et le Hezbollah, à celle du Liban, représentent plus qu’un défi, parce qu’ils cherchent à se doter d’une capacité de dissuasion en établissant avec Israël un « équilibre de la terreur ». Mais ils ne sont guère plus que des mouvements de résistance et ne représentent pour Israël aucune menace existentielle. De toute façon, Tel-Aviv semble penser qu’un peu de violence arabe et la vigilance permanente nécessaire pour la contenir sont le prix à payer pour la mainmise progressive sur la totalité de la Palestine historique. Ce n’est pas pour rien qu’à ce jour les frontières d’Israël n’ont pas été redéfinies.

Quand le rêve d’un État palestinien a-t-il été abandonné ? Les historiens attribueront probablement la responsabilité de cette disparition aux presque huit années de la présidence Bush. Le rôle qu’aurait pu jouer l’Union européenne pour promouvoir la paix israélo-arabe est passé à la trappe lorsque Tony Blair a cassé l’Europe en deux en s’alliant aux néoconservateurs dans la guerre contre l’Irak. Expiant toujours son passé nazi, l’Allemagne ne peut se permettre d’exercer une pression sur l’État juif. Lors de sa récente visite en Israël, la chancelière Angela Merkel a à peine évoqué la situation des Palestiniens, si ce n’est pour condamner les « attaques terroristes » du Hamas. La sécurité d’Israël, a-t-elle déclaré, est la responsabilité de l’Allemagne – « des menaces contre vous sont des menaces contre nous ».
Comme toujours, les Palestiniens ont été leurs pires ennemis. Aujourd’hui, la violente opposition entre le Fatah et le Hamas survient au plus mauvais moment. Si, grâce à la médiation yéménite, ils arrivent à se réconcilier et à reformer un gouvernement national, Israël profitera immédiatement de la participation du Hamas pour suspendre les pourparlers de paix. Pour ceux qui ne veulent pas la paix, tous les prétextes sont bons. Il n’est donc pas étonnant que les Palestiniens n’aient d’autre choix que la soumission honteuse ou la résistance armée. L’avenir ne peut être que sombre. Et l’État palestinien un mirage.

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