Les sentiers de la paix

Publié le 30 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Disparition depuis la mi-janvier du général Mathias Doué, ancien patron des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) ; polémique sur le regroupement et la réparation à la base aérienne d’Abidjan des aéronefs des Fanci détruits ou endommagés au début de novembre par les forces françaises de l’opération Licorne (voir encadré) ; énième retour du dossier ivoirien devant les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA), réunis les 30 et 31 janvier à Abuja ; fuite dans la presse de la liste onusienne des Ivoiriens menacés de sanctions individuelles pour « avoir bloqué le processus de paix » ; départ du Béninois Albert Tévoédjrè, représentant spécial de Kofi Annan, qui quitte officiellement Abidjan le 31 janvier ; tournée régionale d’Alassane Ouattara, patron du Rassemblement des républicains (RDR), à Accra, Bamako et Niamey… Ce n’est pas tout. Le Conseil devait également voter un texte renforçant l’embargo sur les armes et dont certaines dispositions sont sans précédent dans l’arsenal onusien. Il prévoit notamment la possibilité d’inspecter les navires, avions ou véhicules. Alors que le gouvernement et les Forces nouvelles devront établir dans les quarante-cinq jours « une liste exhaustive de leurs armements et de ceux en possession des troupes paramilitaires et des milices ».

De rencontres décisives en clarifications nécessaires, de huis clos en sommets, le dossier ivoirien, qui évolue sur plusieurs fronts, semble connaître une brusque poussée de fièvre en ces derniers jours de janvier. Cependant que la « feuille de route » établie par Mbeki au début de décembre paraît en panne. En tout cas, l’opposition politique ainsi que les rebelles, dont le leader Guillaume Soro a été reçu séparément, sont montés au créneau pour faire de nouvelles suggestions au numéro un sud-africain. Dans un document de trois pages qu’ils lui ont remis le 25 janvier, Alassane Ouattara et Lambert Kouassi Konan, vice-président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, de l’ancien président Henri Konan Bédié), demandent clairement, « au regard des retards que le processus de réconciliation nationale accuse, la mise en place d’une force d’imposition de la paix » par l’ONU.

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Ils l’invitent également à « prendre en main l’organisation des différents scrutins. Ainsi, l’ONU favoriserait le retour rapide à la paix en se prononçant clairement sur le fait que tous les leaders des partis politiques légalement reconnus peuvent participer aux élections s’ils le désirent et en devenant maître d’oeuvre de ces élections ». En clair, concluent-ils, « nous demandons que le Conseil de sécurité prenne une résolution spéciale établissant et publiant dans les prochaines semaines la liste des candidats à l’élection présidentielle ».
À entendre les deux partenaires, il n’y aura pas une présidentielle ouverte et transparente en octobre 2005, sauf à forcer la main à Laurent Gbagbo ou à l’écarter purement et simplement du processus. Mbeki a écouté et enregistré, mais n’aurait rien promis. Tout au plus, à propos du référendum sur l’article 35 de la Constitution relatif aux conditions d’éligibilité à la magistrature suprême, a-t-il précisé que la tenue d’une telle consultation « n’est pas un impératif » et que « référendum ou pas, il faudra aboutir à ce que tous les candidats se présentent aux élections ». Ce point clé de la crise ivoirienne – reconnu et admis comme « une des options » au sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’UA du 10 janvier à Libreville – ainsi que le volet désarmement devaient de nouveau être abordés à la rencontre des chefs d’État à Abuja. Ces derniers se proposaient de « demander à Gbagbo de promulguer la loi [l’article 35 déjà adopté par l’Assemblée nationale] et aux parties en conflit de déposer les armes ».
Est-ce pour mettre davantage la pression sur les deux camps que certains noms sur la liste onusienne des Ivoiriens sous la menace d’une sanction individuelle circulent ? D’aucuns le disent au siège de l’Organisation, qui parlent de « fuite orchestrée ».
Il semble d’ores et déjà avéré qu’y figurent, entre autres, Simone Gbagbo, l’épouse du chef de l’État, Soro, Bertin Kadet et Moïse Lida Kouassi, tous deux anciens ministres de la Défense, le pasteur Moïse Koré et Charles Blé Goudé, chef de file des « Jeunes patriotes ». Et pas de grosses pointures du paysage politique ivoirien. En revanche, chefs de guerre de l’ex-rébellion (pour la plupart des commandants de zone), journalistes et autres membres des forces de défense et de sécurité y sont légion.

Mais Alassane Ouattara et Lambert Kouassi Konan, qui ne demandaient que ça, attendront peut-être encore avant de crier victoire, car les sanctions pourraient tarder à entrer en vigueur. Et différer d’autant la réconciliation de la Côte d’Ivoire avec elle-même.

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