Les barilsde la paix

À peine la fin de la guerre entre le pouvoir central et le Sud a-t-elle été scellée que les grandes compagnies pétrolières se bousculent au portillon.

Publié le 30 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

A Khartoum, s’il y a un ministère qui ne désemplit pas, c’est bien celui de l’Énergie. « Il ne se passe pas un jour sans que nous recevions une ou plusieurs délégations, y assure-t-on. Chacune venant s’informer sur les futurs blocs pour lesquels nous lançons des appels d’offres. Toutes les compagnies sont les bienvenues, dans le cadre d’une concurrence ouverte. » Cet afflux de visiteurs étrangers s’est accéléré depuis la signature, le 9 janvier, de l’accord de paix entre Khartoum et les rebelles du Sud. Partage des revenus du pétrole entre gouvernements central et régionaux, sécurité étendue aux anciennes zones de guerre et allègement des sanctions économiques américaines : toutes ces mesures ont largement contribué à augmenter l’attrait du Soudan.
Premières à avoir mené des explorations dans le pays, avant de le quitter dans les années 1980 sur injonction de Washington, les compagnies américaines sont aussi les premières à y retourner. Dès la signature de la paix, le secrétaire d’État démissionnaire, Colin Powell, a indiqué que les États-Unis allaient assouplir les sanctions économiques et militaires contre le Soudan, donnant ainsi son feu vert au retour des compagnies pétrolières américaines (et des autres). Au Sud-Soudan, Marathon Oil, un des soutiens financiers du candidat George W. Bush, a ainsi été autorisée à « réactiver » un accord d’exploration et de partage de production sur un permis abandonné en 1985, dans le cadre du boycottage. Elle y est associée, avec 32,5 % des parts, à la française Total (32,5 %), la compagnie koweïtienne Kufpec (25 %) et la soudanaise Sudapet (10 %). Le groupe devrait prochainement reprendre ses activités de recherche sur le bloc B (118 000 km2), dans le bassin de Bor, au Sud-Soudan. De retour aussi, la compagnie suédoise Lundin Petroleum, qui, sous la pression américaine, avait cédé ses intérêts dans le bloc A en 2003, mais qui a tout de même gardé ceux qu’elle détient dans le bloc 5 B, où elle devrait reprendre ses opérations courant 2005.
La fin de la guerre au Sud-Soudan pourrait également faciliter les opérations des compagnies asiatiques groupées dans le Consortium Greater Nile Petroleum Operating (CGNPO), auquel le pays doit l’essor de son industrie pétrolière. L’accord de paix conclu entre le gouvernement et le mouvement de John Garang stipule que les contrats existants seront respectés. CGNPO comprend la Chinese National Petroleum Company (CNPC) avec 40 % des parts, Petronas (Malaisie), 30 %, et ONGG Videst Limited (Inde), qui a repris en 2003 les 25 % détenus par la compagnie canadienne Talisman. Les 5 % restants appartiennent à la compagnie nationale Sudapet. Les compagnies asiatiques ont pris un sérieux avantage dans le secteur de l’exploration et de la production, mais aussi sur le terrain des grands marchés. Non contents d’avoir réalisé le premier pipeline vers la mer Rouge, les Chinois modernisent la raffinerie de Khartoum. Les compagnies malaises ont décroché pour 900 millions de dollars de contrats, essentiellement dans les travaux liés aux secteurs pétrolier et gazier. La firme indienne GNOP OVL s’est également lancée dans la construction d’un pipeline. Indiens, Chinois et Malais concurrencent les Européens sur un projet important, qui vise à édifier une raffinerie au terminal de Port-Soudan, pour une capacité de 100 000 barils par jour et un coût estimé à plus de 700 millions de dollars.
Seule ombre dans ce tableau prometteur : la crise du Darfour. Géographiquement, le Darfour se trouve loin des zones d’exploration, et celles-ci ne sont donc pas menacées. L’expérience du Sud a d’ailleurs montré que les attaques de rebelles contre les installations pétrolières n’avaient eu que peu d’incidence sur la production. Mais la persistance de la crise risque d’inciter les nouveaux investisseurs occidentaux à attendre son dénouement. Et à laisser le champ libre aux firmes asiatiques.

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