Des têtes tombent

La Commission de lutte contre la corruption enregistre des résultats. Contre toute attente.

Publié le 30 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

La Commission fédérale de lutte contre les crimes économiques et financiers (EFCC) travaille dans l’ombre depuis des années. Ses résultats semblaient jusque-là médiocres. Ses principales cibles, anciens chefs d’État et grands industriels, refusaient de témoigner, et l’opinion publique avait fini par se persuader qu’il s’agissait d’un « machin » de plus, destiné à rassurer la communauté internationale et, surtout, les bailleurs de fonds, sur les efforts entrepris par le Nigeria pour lutter contre la corruption.
Erreur. Des têtes importantes commencent à tomber, notamment celle de l’inspecteur général Tafa Balogun, chef de la police. Il a d’abord été mis à la retraite anticipée, le 18 janvier, puis poursuivi en justice pour blanchiment d’argent. Titulaire de onze comptes en banque, il aurait détourné près de 1 milliard de nairas (5,9 millions d’euros). La police nigériane est notoirement corrompue, ses activités allant du petit racket sur les automobilistes à la protection de personnalités, en passant par la sécurisation des sites de forage des compagnies pétrolières internationales.
La mise à l’écart de Tafa Balogun intervient une semaine après la condamnation, par la cour martiale, de deux amiraux de la marine nationale convaincus de complicité dans la disparition d’un tanker russe transportant 11 000 tonnes de pétrole brut, d’une valeur de 330 millions de nairas (1,9 million d’euros). Les compagnies, notamment la Shell, estiment que 10 % du brut extrait dans le delta du Niger passe par un circuit de vente parallèle, soit environ 2,5 millions de barils par jour. Depuis longtemps, elles se plaignent des exactions commises par des bandes organisées, dotées d’armes sophistiquées, qui pillent barges et pipelines et effectuent ensuite les transbordements de leur butin en haute mer. Les enquêtes menées jusqu’à ce jour n’avaient guère conduit qu’à l’arrestation du menu fretin. L’EFCC a travaillé en amont, démêlant peu à peu l’écheveau complexe des bénéficiaires de ces détournements, pour aboutir à l’inculpation des militaires.
Si elle parvient aujourd’hui à ces résultats, c’est que l’EFCC est soutenue depuis sa création par le président Olusegun Obasanjo. À l’aube de son second mandat, en mai 2003, celui-ci a repris l’ambitieux objectif de son premier mandat : mettre fin à cette maladie devenue endémique. Le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, puissance militaire reconnue, premier producteur de pétrole d’Afrique, voit ses performances économiques et, partant, son développement, sans cesse « plombé » par la corruption pratiquée à tous les étages de la société.
Ce soutien au plus haut niveau permet à l’EFCC de disposer de relais à l’étranger, qui s’avèrent efficaces. Dernière affaire en date, celle du gouverneur de l’État de Plateau, Joshua Dariye, qui pourrait être traduit devant les tribunaux britanniques pour blanchiment d’argent. Scotland Yard a mis au jour un réseau de comptes bancaires appartenant au gouverneur, susceptibles d’être en relation avec une affaire instruite par l’EFCC portant sur 1,2 milliard de nairas (6,7 millions d’euros). Le gouverneur Dariye bénéficie de l’immunité dans son pays, mais pas en Grande-Bretagne. Les Nigérians savent bien que c’est un véritable changement de mentalité qui doit être opéré s’ils veulent mettre un frein à la corruption. La « chute » de quelques têtes pourrait y contribuer.

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