Un toit pour chacun

Pour remédier à la crise du logement, les pouvoirs publics ont multiplié les promesses. Et semblent sur le point de les tenir.

Publié le 29 octobre 2006 Lecture : 5 minutes.

A l’heure où le programme algérien de réalisation d’un million de logements d’ici à 2009 atteint sa vitesse de croisière, il a reçu fin septembre un soutien de poids. Le groupe allemand Knauf, déjà propriétaire de 50 % du capital de la plâtrerie Fleurus, à Oran, s’est engagé à investir 24 millions d’euros durant les quatre prochaines années pour développer le secteur du bâtiment dans le pays. Spécialisé dans les matériaux de construction, Knauf entend notamment ouvrir, en collaboration avec l’université d’Oran, un centre de formation dans l’industrie plâtrière. Et ses dirigeants n’ont pas fait mystère de leurs ambitions et de leurs projets en Algérie. Ils veulent développer les capacités de production de plâtre, réaliser, dans l’ouest du pays, une unité de production de plaques, jusque-là importées avec de fortes devises, et enfin assurer au marché algérien des matériaux de construction de qualité.
Lorsque, au lendemain de son élection, en avril 1999, le président Bouteflika avait annoncé son intention de résorber la crise de logement, rares étaient ceux qui y ont vraiment cru. Un pari insensé, un projet irréalisable, une lubie de la part du nouveau président Les commentaires allaient bon train. Du responsable de l’opposition au citoyen ordinaire en passant par l’homme d’affaires, les Algériens se sont alors montrés plutôt sceptiques quant aux chances de ce vaste programme. Avec une population estimée à 33 millions d’habitants et un parc estimé à 5,9 millions d’unités, les besoins des Algériens en logements sont en effet énormes. À tel point que des émeutes éclatent aux quatre coins du pays dès que les autorités annoncent une prochaine distribution de nouveaux logements.
Depuis trois décennies, la pénurie de logements est l’une des plus graves difficultés auxquelles ont été confrontés les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays. Elle continue d’ailleurs de l’être à ce jour. Le déficit est tel que des familles sont contraintes de vivre, parfois à dix, dans des appartements de deux ou trois pièces. Certains jeunes Algériens préfèrent retarder leur mariage plutôt que de devoir vivre en couple chez leurs parents. « Je vis dans un minuscule logis avec mon père, ma mère, mes trois frères et mes deux surs », confie Mourad, comptable dans une société d’informatique à Alger. Fiancé depuis cinq ans, son salaire de 25 000 dinars [environ 230 euros] ne lui permet pas d’acquérir un appartement. Louer dans la capitale coûte trop cher. Acheter est tout simplement hors de prix. Que faire ? Rompre ses fiançailles et continuer de vivre avec parents ou attendre que le gouvernement tienne sa promesse ? D’autres que lui ont purement et simplement renoncé à l’idée de se marier. À l’instar de Mourad, ils sont des milliers à espérer en finir avec la crise du logement qui empoisonne leur existence de citoyens. Ce qui signifie qu’il faut construire, et encore construire, des milliers d’immeubles d’habitation
En mars 2004, un mois avant sa réélection pour un second mandat, Bouteflika faisait un bilan de sa politique : « En cinq ans, nous avons créé 1,2 million d’emplois. Financièrement, les possibilités existent pour créer encore 1 million d’emplois dans le prochain quinquennat. Il y avait un déficit de 1 million de logements : 700 000 ont été répartis, 300 000 sont en voie d’achèvement. Et nous pouvons construire 1 million de logements pour les prochaines années. » Sur l’ensemble du programme d’un million d’unités prévues, 30 % sont des logements sociaux locatifs, 25 % sont répartis en logements sociaux participatifs ou accessibles en location-vente, et 25 % sont destinés à l’habitat rural. Le reste (20 %) relève du domaine de la construction individuelle et de la promotion immobilière.
Deux ans plus tard, les promesses sont, semble-t-il, sur le point d’être tenues : « Les chiffres enregistrés en 2005 n’ont jamais été atteints depuis l’indépendance. À ce jour, nous avons lancé 600 000 chantiers, toutes formules confondues, et d’ici à la fin 2006 nous en lancerons 300 000 autres. Alors il ne nous restera, pour atteindre le million prévu dans le programme quinquennal, que 100 000 logements à réaliser », affirmait au début de l’année le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Mohamed Nadir Hamimid, après avoir indiqué que le programme avait connu un coup d’accélérateur en 2005. Grâce à d’importantes rentrées financières, dues essentiellement à la flambée des cours du pétrole, l’Algérie s’est parallèlement lancée dans de gigantesques projets de développement. Autoroutes, métro, tramways, aéroports et télécommunications, en l’espace de sept ans le pays est devenu un immense chantier à ciel ouvert. Pour réussir son pari d’offrir un logement décent à tous les citoyens, le gouvernement a mis les moyens : plus de 5 milliards de dollars ont été alloués à la réalisation de ce projet et près de 30 000 hectares ont été mis à la disposition des opérateurs économiques qui souhaitent investir dans ce créneau. Au total, 20 000 entreprises nationales, représentant un effectif de 500 000 salariés, de 5 200 architectes et de 520 ingénieurs, ont été sollicitées pour participer à ce programme. Plusieurs sociétés étrangères, essentiellement d’origine chinoise ou turque, ont décroché des contrats, souvent substantiels, pour livrer des appartements clés en main dans des délais assez courts.
Si le programme avance à grands pas, sa concrétisation tarde à se manifester, de l’avis du chef de l’État algérien lui-même. Celui-ci n’hésite pas descendre sur le terrain pour inspecter les chantiers, comme s’il supervisait lui-même leur évolution et vérifiait si le défi lancé était en voie d’être accompli. Fidèle à ses habitudes, Bouteflika ne se gêne pas pour tancer publiquement ses ministres, quitte à les traiter de « menteurs ». En juin 2006, devant l’ensemble des walis (« préfets ») que compte le pays, le président a sévèrement fustigé les entrepreneurs et les responsables politiques ou administratifs qui freinent l’avancement des travaux : « La réalisation de ces programmes a souvent été contrariée par des contraintes et des difficultés spécifiques, voire par certains comportements négatifs liés la plupart du temps à un excès de centralisation des moyens mis en uvre. » Les lenteurs enregistrées dans les délais de réalisation, le non-respect des normes de construction, voire tout simplement le non-démarrage de certains chantiers ont obligé les autorités à résilier des contrats, pourtant dûment signés avec des entreprises nationales ou étrangères. Le temps est compté. Construire un million de logements d’ici à 2009, le pari n’est pas insensé, soutient encore aujourd’hui le chef de l’État algérien. Mais, dans moins de trois ans, il faudra faire le bilan.

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