Épouses et concubines

Trois femmes trahies par le même homme : leur mari. Notre collaboratrice Fawzia Zouari a construit son récit autour des affres de la polygamie.

Publié le 29 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

En 2003, à Paris, un avocat algérien est assassiné. L’enquête révèle qu’il menait trois vies parallèles et qu’il entretenait plusieurs foyers avec femmes et enfants. C’est ce fait divers authentique qui a inspiré la romancière tunisienne Fawzia Zouari. Dans La Deuxième Épouse, elle donne vie à Halima, Rosa et Lila, « trois femmes, trois générations, trois vies prises au piège de l’infidélité ». Halima-Emma, la première épouse, s’est mariée avec cet homme, son cousin, « comme on prend ses jambes à son cou », pour fuir le bled et les existences « vides comme des bulles de chewing-gum ». Rosa, la deuxième épouse, est magistrate, fille de harki, et Sadek l’a épousée comme « on épouse une fille sans dot ». Découvrant que son mari entretient un deuxième foyer, elle tente alors de se suicider et sombre dans le coma. Lila, la troisième, est une jeune beurette émancipée qui étouffe dans sa cité, à Creil, « devenue un morceau de Téhéran ».
L’écrivaine décrit l’engrenage de la polygamie, ce « crime de sentiment ». Mais le livre, même s’il tourne autour de la trahison, va bien au-delà. C’est presque un roman sociologique, disséquant le statut de la femme en général et de la femme arabo-musulmane en particulier, en France et de l’autre côté de la Méditerranée. Asservissement, machisme, port du voile, intégration ou désintégration, préjugés, intégrisme Défendant une vision humaniste des relations entre les cultures, l’auteure n’est pas tendre avec notre société actuelle, et c’est tant mieux. À travers la « quatrième » femme du livre, la romancière, Fawzia Zouari croque aussi bien la vie des jeunes filles de banlieue que celle des bourgeoises parisiennes. Avec le même sens du détail, le même regard acéré et tendre à la fois et, souvent, le même humour. D’ailleurs, la romancière, Farida, ressemble à un double de l’auteure de La Deuxième Épouse. Tunisienne cultivée aux yeux de chat, pétrie de culture arabe et musulmane, éclairée et tolérante, amoureuse des mots et de l’amour
Dans ce quatrième roman, la collaboratrice de Jeune Afrique, docteur en littérature française comparée à la Sorbonne, fait preuve d’une belle maîtrise littéraire. Ses personnages sont attachants et ce livre des concubines se lit comme on déguste un thé à la menthe brûlant et sucré. En plus de très beaux portraits de femmes, le roman permet aussi de pénétrer dans l’intimité d’une écrivaine. Farida dit : « On n’écrit qu’avec soi. Son passé et son enfance. Avec ce qui fait écho à son être profond. Ce qui nous touche et nous fait mal. » Lorsqu’elle est devant l’ordinateur, elle retrouve la « conviction d’avoir quitté l’espace réel, ce plaisir que j’avais, petite, de me rouler dans les champs, cette vertigineuse liberté de me laisser guider par les phrases, de découvrir les personnages, embusqués, de couper et coller les destins. [] Il faut faire confiance aux mots, glisser dans leur ronde ». Faites aussi confiance à Fawzia Zouari, elle saura vous emmener très loin.

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