Pourrait tellement mieux faire !

Publié le 29 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

Aurait-il un challengeur de poids que, de l’avis général, le président Marc Ravalomanana l’emporterait tout de même pour avoir pacifié la vie politique et relevé l’économie d’un pays dont le produit intérieur brut s’était effondré de 12,7 % en 2002 en raison d’un début de guerre civile larvée avec les partisans de son prédécesseur et adversaire Didier Ratsiraka. Car Madagascar va mieux : la mortalité infantile y a reculé de 96 décès pour 1 000 en 1997 à 58 pour 1 000 en 2005 ; le pourcentage de personnes mal nourries est passé de 43 % en 1997 à 35 % en 2005 ; le rendement des rizières a progressé de 1,8 tonne à l’hectare en 2001 à 2,6 tonnes en 2005 ; le port de Taomasina (ex-Tamatave) est en cours de modernisation pour la première fois depuis quarante ans ; la dépréciation de la monnaie nationale, l’ariary, qui avait atteint – 66,3 % face à l’euro en 2005 s’est ralentie à – 7,4 % au premier semestre 2006.
Les taxis-brousse et les camions profitent de l’amélioration spectaculaire du réseau routier grâce à l’argent des institutions financières internationales, de l’Union européenne et de la France, qui ont participé à la remise en état de 4 000 km de routes nationales ou locales. « Je pense que Madagascar est en train de vivre une révolution culturelle dont nous sentons les prémices, commente James Bond, directeur des opérations Madagascar, Comores, Maurice à la Banque mondiale. Il y a un peu moins de corruption ; par exemple, les policiers réclament moins souvent des amendes injustifiées pour arrondir leur maigre salaire. Les agriculteurs de la région du lac Alaotra commencent à acheter des motoculteurs. Mais je suis réaliste, car Madagascar ne peut être transformée en un jour ! »
Effectivement, la Grande Île n’est pas tirée d’affaire après trente-cinq ans de gabegie et de mauvaise gestion qui ont pratiquement divisé par deux la richesse des Malgaches. Ceux-ci se classent 146e sur 177 nations en matière de développement humain. Leur espérance de vie plafonne à 57 ans. La productivité de leur main-d’uvre est le tiers de celle de l’Inde et le quart de celle de la Chine. Avec une croissance qui s’élèvera en 2006 à 4,7 % seulement, on peut dire que Madagascar progresse, mais « en dessous de son potentiel », selon le jargon des experts, autrement dit le décollage économique promis par le président Ravalomanana n’a pas eu lieu, et la déception est réelle jusque chez ses partisans.
Le quotidien est forcément problématique quand le salaire minimum avoisine une vingtaine d’euros, vite rognés par une inflation qui dépassera les 10 %, cette année encore. La remise à niveau de la société nationale d’électricité, la Jirama, par l’entreprise allemande Lahmeyer se traduit par des délestages tournants et des hausses de tarifs répétées (+ 30 % en juillet 2005, 35 % en novembre 2005, 10 % en avril 2006).
Le gouvernement affronte une forte croissance démographique qui a porté la population malgache à 18 millions d’habitants, sans modernisation parallèle de la production agricole. Marc Ravalomanana a beau plaider pour un contrôle des naissances justifié par la réduction de la mortalité et par la faible croissance des superficies cultivées, les Églises protestantes et catholique ne veulent rien entendre et ce sont elles que suivent les Malgaches très portés sur le religieux.
L’autre handicap majeur de Madagascar est l’imbroglio de son système foncier. Alors que près de 90 % des agriculteurs sont propriétaires de leur exploitation, 8 % seulement détiennent un titre de propriété. Les constructions sauvages, les arnaques et les procès sont légion, créant une instabilité juridique qui décourage les créations d’entreprises et les emplois.
L’avenir n’est pas bouché pour autant. Le 1er juillet, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont effacé le fardeau de 2,2 milliards de dollars de la dette multilatérale malgache. Les entreprises textiles Etam et Petit Bateau, parties en Chine chercher de moindres coûts salariaux, sont de retour à Madagascar, car les coutures et les couleurs y sont de bien meilleure qualité.
En 2007, le premier baril de pétrole devrait être extrait dans le Sud-Ouest par Madagascar Oil. ExxonMobil parie, pour 2011, sur les gisements très profonds du canal du Mozambique. En 2008, un premier bateau emportera vers l’Afrique du Sud, pour y être transformée en titane, l’ilménite exploitée par Rio Tinto dans la région de Tolagnara (ex-Fort-Dauphin), à l’extrémité sud de l’île : plus de 2 000 emplois seront créés. Peu après, le canadien Dynatec et le japonais Sumitomo comptent démarrer les mines de nickel et de cobalt de la région de Taomasina : on en attend 9 000 emplois.
Marc Ravalomanana, auquel la Constitution interdit de se représenter en 2011, juge que ces projets d’investissements ne sont ni assez nombreux ni assez rapides.Avec la fougue dont il est coutumier pour gouverner Madagascar comme pour diriger son propre conglomérat agroalimentaire Tiko, il a imaginé, en septembre, le projet de transformer l’ensemble de l’île en gigantesque zone franche, afin de séduire les investisseurs internationaux et assurer le décollage de tout le pays. Ce sont la Banque mondiale et le FMI, pourtant réputés a priori favorables à toute libéralisation, qui l’ont mis en garde contre un tel bouleversement susceptible de mettre à mal l’État déjà impécunieux et qui se verrait privé de ses principales ressources douanières et fiscales !
Pour l’instant, les investisseurs potentiels ont mis leurs projets en veilleuse. La baisse constatée en matière d’importations de biens d’équipement et le recul de 25 % de l’activité portuaire traduisent leur méfiance. Ils se souviennent que chaque élection provoque des troubles et un arrêt complet du développement à Madagascar. « L’élection du 3 décembre est un test très important, explique Pierre Van Den Boogaerde, représentant-résident du FMI à Antananarivo. Elle semble devoir se dérouler sous les auspices d’une plus grande maturité politique que par le passé. Si elle se passe dans le calme, la confiance des investisseurs s’en trouvera considérablement renforcée. » À confirmer.

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