Ablassé Ouédraogo

Conseiller du président de la Banque africaine de développement (BAD)

Publié le 29 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Invité d’honneur de l’assemblée annuelle de l’Association française cotonnière (Afcot), qui s’est tenue le 12 octobre à Deauville, le Burkinabè Ablassé Ouédraogo, ancien directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et actuel conseiller du président de la Banque africaine de développement (BAD), brosse un tableau sombre de l’avenir des filières cotonnières africaines.

Jeune Afrique : Quel est l’état de la filière cotonnière dans le monde et quelles sont les perspectives pour la prochaine campagne, notamment en Afrique ?
Ablassé Ouédraogo : La filière représente 350 millions d’emplois dans le monde et fait vivre 20 millions de personnes en Afrique. Ce qui est énorme. Selon le Comité consultatif international du coton (CCIC), la production mondiale devrait se stabiliser, pour la campagne 2006-2007, à 24,7 millions de tonnes, pour une demande de 25,6 millions de tonnes. L’Afrique devrait exporter 1 million de tonnes. Mais malgré une demande soutenue, en dépit du boom des tissus artificiels, le coton a enregistré, ces dernières années, une chute insupportable de ses cours. De l’ordre de 30 % entre 2003 et 2005. C’est dire si la filière va mal.
Cette chute est-elle imputable aux seules subventions accordées par certains pays ?
Plusieurs facteurs expliquent cette situation : changements climatiques, évolution de la demande, celle des stocks, parité monétaire Mais s’y ajoutent en effet les régimes de subvention, qui ont atteint, pour 2004-2005, 4,7 milliards de dollars aux États-Unis, 850 000 euros dans l’Union européenne et 1 milliard de dollars en Chine. Grâce à ces subventions, la livre de coton revient à 90 cents en Europe et à 80 cents aux États-Unis, alors que le prix mondial tourne autour de 56 cents. En Afrique, le kilo issu de la même campagne a été vendu 550 F CFA pour un prix de revient situé entre 650 et 700 F CFA, soit une perte sèche de 100 à 150 F CFA. La compétitivité du coton africain est ruinée par le manque de ressources financières nécessaires pour subventionner la filière et par une parité défavorable du franc CFA en raison de son rattachement à l’euro et de sa surévaluation par rapport au dollar.
Quelles possibilités s’offrent au « C4 » (Bénin, Burkina, Mali et Tchad) pour défendre les intérêts de leurs cotonculteurs après l’échec du cycle de Doha, en juillet dernier ?
Les négociations n’ont pas encore échoué. Elles ont été suspendues par le directeur de l’OMC, Pascal Lamy, « le temps que les États membres soient prêts à rentrer à nouveau dans le jeu ». Personne ne peut dire aujourd’hui avec certitude quand elles reprendront. Mais, en attendant, cette suspension plonge la filière dans de graves difficultés et impose des mesures urgentes, parmi lesquelles le recours à l’Organe de règlement des différends (ORD). Sur ce point, les pays africains auraient dû se joindre au Brésil, dont la plainte, en mars 2005, a abouti à la condamnation des États-Unis. La transformation locale, voire sous-régionale, du coton apparaît également comme une voie royale pour sauver la filière. La mise en place d’un Fonds de compensation en dehors de l’OMC, financé par les partenaires au développement en vue de stabiliser la filière, serait également idéale. Autre solution, une nouvelle dévaluation du franc CFA afin d’atténuer l’impact des fluctuations monétaires.
Le « C4 » n’a-t-il pas manqué de combativité ?
En introduisant le dossier à l’OMC en avril 2003, ce groupe visait la suppression des subventions et la mise en place de mesures compensatoires transitoires. Un travail énorme a été réalisé à l’OMC, et le sujet a retenu l’attention des participants aux Conférences ministérielles de Cancún, en 2003, et de Hong Kong, en 2005. Cancún s’est soldé par un échec, les Africains s’y étant présentés avec de simples doléances et sans aucune stratégie de négociation. À Hong Kong, des résultats encourageants ont été enregistrés. Les pays africains doivent plus que jamais affirmer leurs positions.
Comment voyez-vous l’avenir des filières ?africaines ?
Les cours étaient de 55 cents la livre en moyenne au cours des cinq dernières années, un chiffre très en deçà des 70 cents enregistrés pendant les trente dernières années. L’avenir immédiat de la filière est peu réjouissant, pour ne pas dire sombre. Les déficits cumulés en raison de la baisse des prix internationaux sont devenus trop importants. Les négociations à l’OMC seront encore longues et la suppression effective des subventions n’est pas pour demain. En Afrique, la question de la survie de cette culture est posée. D’où la nécessité d’agir vite.

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