Smaïn Laacher* nous écrit

Publié le 29 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

Rachida Dati, ministre tout simplement
On se plaît à dire que Rachida Dati est un ministre atypique. Du point de vue statistique, sans aucun doute : son accès à une position de pouvoir était encore, il y a peu de temps, fort improbable. Hormis cette dimension, il est éminemment plus intéressant de relever la manière dont se structure l’espace des positions morales à l’égard de sa personne. On dit qu’elle est caractérielle. L’a-t-on déjà dit pour un ministre homme ? Jamais. « Caractérielle » veut dire en réalité « hystérique ». Personne n’oublie que c’est une femme avant tout. Son directeur de cabinet et quelques conseillers ont démissionné à cause de sa psychologie. Combien de directeurs de cabinet et de conseillers ont quitté leur ministre ou ont été remerciés ou mutés ? Deux de ses frères ont des démêlés avec la justice. Combien de ministres ou d’élus ont eu, eux-mêmes ou un membre de leur famille, maille à partir avec la justice ?
Mais les propos bienveillants et les manifestations lyriques de solidarité à l’égard de Rachida Dati, à droite et plus encore à gauche, trahissent une compassion et une charité typiquement bourgeoise envers les « sans qualité », un brin exotique, que l’on a décidé d’adopter et d’exhiber. Nombre d’élus et d’associations n’ont pas hésité une seconde à s’engager dans cette héroïque défense du faible. Le propos public le plus grossier et le plus idéologiquement pervers est venu du président de SOS racisme : il nous apprend que c’est le racisme de « l’élite française constituée d’hommes blancs de plus de 55 ans » qui n’accepterait pas la nomination d’une femme « d’origine maghrébine » à un ministère de la Justice. Ceci est la marque d’une inculture de la sociologie des classes supérieures françaises, un propos à l’emporte-pièce. Je n’ai pas appelé à voter pour le candidat qui a nommé ce ministre de la Justice. Mais à mes yeux, Rachida Dati, qui n’est qu’un ministre parmi d’autres, ne mérite politiquement qu’une seule chose : qu’on la juge en tant que ministre.

* Smaïn Laacher est sociologue au Centre d’étude des mouvements sociaux (CNRS-EHESS) à Paris. Dernier ouvrage paru : Le Peuple des clandestins, Calmann-Lévy, 2007.

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