Le Comorien d’al-Qaïda

Recherché depuis près de dix ans par les autorités américaines, le terroriste Fazul Abdullah Mohammed demeure insaisissable.

Publié le 29 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

La simple évocation de son nom, lors d’une banale conversation téléphonique, peut faire dresser les « oreilles électroniques » de la National Security Agency (NSA, services de renseignements américains). À lui seul, il incarne la menace terroriste qui plane sur la partie orientale de l’Afrique. Sa traque a déjà provoqué la mort de plusieurs dizaines de civils dans le Puntland (nord-est de la Somalie) lors de bombardements de l’armée américaine, en janvier 2007. En Afrique de l’Est, impossible de pénétrer dans une ambassade des États-Unis sans remarquer l’imposant avis de recherche : « Most wanted terrorists, Fazul Abdullah Mohammed ». Le moindre renseignement qui pourrait aider à capturer « mort ou vif » ce Comorien de 35 ans vaut 25 millions de dollars. Accusé d’avoir dirigé, le 7 août 1998, les attentats contre les ambassades américaines de Dar es-Salaam, en Tanzanie, et de Nairobi, au Kenya, sa tête a été mise à prix. Mais, depuis, ce terroriste demeure introuvable.

Selon le FBI (police fédérale américaine), Fazul serait né le 25 août 1972, à Moroni, sur la côte ouest de la Grande Comore. Au vu de ses bons résultats scolaires, son père envisage de l’envoyer étudier en France. Mais le jeune homme refuse. Ce sera le Pakistan, où il veut suivre une formation en informatique. À cette époque, Fazul n’a rien d’un jihadiste. C’est un adolescent plutôt réservé, « musulman, sans plus », se souvient un ancien camarade de classe.
Quand il arrive au Pakistan, en 1991, l’armée rouge vient de quitter l’Afghanistan, la queue entre les jambes. La guerre sainte est finie. Mais Fazul décide de bouder Rawalpindi, la ville où il devait suivre ses études, pour Peshawar et son Maktab al-Khadamat, le « Bureau des services » créé deux années auparavant par Abdallah Azzam, père fondateur du jihadisme international. C’est dans ce refuge pour jeunes Arabes prêts à mener la guerre sainte contre « les Croisés et les Juifs » qu’il fait la connaissance d’Oussama Ben Laden et des grandes figures d’al-Qaïda. Après avoir suivi une formation militaire dans le camp d’el-Farouk, dans la région de Kandahar, en Afghanistan, Fazul Abdullah Mohammed devient officiellement Abou Seif es-Soudani, son nom de guerre au sein d’al-Qaïda.

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En 1993, sous la direction de Mohammed Atef, chef militaire d’al-Qaïda, il est « affecté » en Somalie. Sa mission : structurer la résistance islamique contre la présence américaine dans ce pays de la Corne de l’Afrique. Un an plus tard, il rejoint Ben Laden à Khartoum, et demeure à ses côtés jusqu’en 1996, lorsque ce dernier est expulsé du pays par les autorités soudanaises. Le Comorien veut suivre son mentor en Afghanistan, mais celui-ci lui confie une autre tâche : succéder à Abou Oubeida al-Banshiri, l’un des chefs d’al-Qaïda en Afrique subsaharienne, retrouvé mort en 1998 dans le lac Victoria, en Ouganda. Fazul devient numéro un de la nébuleuse djihadiste en Afrique de l’Est, où il coordonne toutes les attaques contre des cibles américaines et israéliennes.
Une semaine après les attaques de Nairobi et Dar es-Salaam, en août 1998, Fazul rejoint les Comores en passant par la Tanzanie. Il n’y restera pas longtemps. Le terroriste préfère se mettre au vert dans une petite île de l’archipel kényan de Lamu. Il y épouse une autochtone, fait office d’imam de la mosquée locale et prépare de nouvelles attaques. Le 28 novembre 2002, l’attentat au véhicule piégé visant l’hôtel Paradise de Mombasa (sud-est du Kenya) fait seize morts parmi la clientèle, essentiellement israélienne. Au même moment, dans la même ville, un vol charter de la compagnie israélienne Arkia, à destination de Tel Aviv, échappe miraculeusement au tir de deux missiles.
Depuis 2004, Fazul est revenu en Somalie où le corps expéditionnaire américain basé à Djibouti consacre l’essentiel de son temps à sa traque. Notamment en janvier 2007 au Puntland, quand deux navires américains ont pilonné durant trois jours un village où ils le croyaient réfugié avec ses deux lieutenants. Bilan : une soixantaine de morts, tous des civils. Mais pas Fazul.

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