Thabo Mbeki, seul contre tous

Publié le 29 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Combien de temps Thabo Mbeki continuera-t-il à soutenir Robert Mugabe ? Depuis le 25 juin, le président sud-africain doit en tout cas se sentir très seul. Ce jour-là, Nelson Mandela, son prestigieux aîné, a rompu le silence qu’il observait depuis plusieurs années sur la question du Zimbabwe. C’était lors d’un dîner de charité à Londres, en présence de Gordon Brown, le Premier ministre britannique, et de l’ancien président américain Bill Clinton. Dans un discours soigneusement préparé, la plus grande autorité morale du continent a d’abord évoqué le conflit israélo-palestinien, « l’invasion » de l’Irak et la « tragédie » du Darfour. Avant d’enchaîner : « Dans notre propre pays, nous avons vu un déchaînement de violence contre des Africains, et chez notre voisin, le Zimbabwe, la tragique défaillance de la direction. » Après cela, Mbeki va sans doute avoir du mal à soutenir contre vents et marées qu’« il n’y a pas de crise au Zimbabwe » !
Un biographe de ce dernier a peut-être trouvé la vraie raison pour laquelle il s’obstine, seul contre tous, à aider le vieux Mugabe. Bien sûr, depuis les temps héroïques de la lutte contre l’apartheid, le Sud-Africain voue au Zimbabwéen une reconnaissance éternelle. Pour lui, Mugabe, c’est le camarade de combat, le grand frère. Mais au terme d’une enquête de plus de 900 pages*, le journaliste sud-africain Mark Gevisser montre qu’en 1980, à l’époque de l’indépendance du Zimbabwe, Mbeki a été l’un des rares dirigeants en exil de l’ANC (Congrès national africain) à soutenir Mugabe contre son rival, Joshua Nkomo. Il avait compris avant tout le monde que son intérêt était de s’allier à un Shona (l’ethnie majoritaire au Zimbabwe) plutôt qu’à un marxiste pur et dur. À la même époque, il avait d’ailleurs noué des liens étroits avec Emmerson Mnangagwa, l’un des chefs de la répression sanglante dans le Matabeleland, la région natale de Nkomo. Ce même Mnangagwa est aujourd’hui l’un des dauphins de Mugabe
En fait, chez Mbeki, les choix ne sont pas seulement tactiques. Ils tiennent aussi à son tempérament. Comment expliquer autrement son entêtement à mettre en doute, contre la communauté scientifique unanime, le lien entre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le sida ? « Depuis longtemps, le président sud-africain est un anticonformiste qui aime se battre contre les points de vue majoritaires », écrit Gevisser.
Hier, Mbeki ferraillait contre l’idéologie marxiste de l’ANC. Aujourd’hui, il tient tête à son parti et à la communauté internationale sur le cas Mugabe. À bas la pensée unique – surtout si elle vient d’Occident ! « Je regrette que Thabo Mbeki ne prenne pas de position courageuse et ferme sur le Zimbabwe », confiait un diplomate africain, le 26 juin à Charm el-Cheikh, juste avant l’ouverture du sommet de l’UA. Après les derniers événements au Zimbabwe, il va vraiment falloir à Mbeki du courage – si c’est le mot qui convient – pour s’acharner à défendre Mugabe envers et contre tout.

* Thabo Mbeki : The Dream Deferred, Mark Gevisser, éditions Jonathan Ball, 2007

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