Ségo, Sarko, l’Afrique

Publié le 29 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

Etre ministre de l’Intérieur dans un pays comme la France, confronté comme d’autres au choc migratoire, est sans doute le plus sûr moyen de se forger une incontournable impopularité auprès de tous ceux pour qui la patrie des droits de l’homme se doit d’être à la fois un havre accueillant, un recours contre la misère et une agence obligée pour l’emploi. Homme de gauche et premier flic de France il y a une dizaine d’années, Jean-Pierre Chevènement en a fait l’expérience : son image d’humaniste vola instantanément en
éclats le jour où il déclara que les sans-papiers étaient en réalité « des gens avec des papiers, mais de leur pays d’origine ».
Rien d’étonnant donc à ce que Nicolas Sarkozy, malgré toutes les Rachida Dati et les Rama Yade de l’Hexagone, subisse le même sort. Les Français d’origine africaine,
binationaux ou non, les Africains francophones en général, lui sont massivement hostiles, et Ségolène Royal a sur lui un avantage définitif : elle est vierge de toute
compromission avec la place Beauvau, ses charters d’expulsés et ses bavures de commissariats.

Mais mener une politique d’immigration sécuritaire est une chose, définir une politique africaine crédible pour la France en est une autre, ces deux pôles n’étant pas aussi reliés qu’on le croit généralement. À bien regarder les programmes des deux candidats en
la matière, les similitudes l’emportent en effet largement sur les différences. Tous deux se sont prononcés pour le codéveloppement afin de contribuer au tarissement des flux migratoires, tous deux prônent la démocratie, la transparence et la conditionnalité de l’aide, tous deux annoncent la fin de la Françafrique ou de ce qu’il en reste , la mort clinique des réseaux parallèles, des connivences occultes, des gaspillages et des interventions militaires obsolètes. Bref, l’adhésion au code de conduite de la bonne gouvernance tel que l’ont dicté les institutions de Bretton Woods est parfaite. Ségo ou Sarko : c’est une nouvelle génération de quinquas qui va accéder au pouvoir, née au moment de la décolonisation et donc peu encline aux nostalgies de l’empire défunt, décomplexée avec ce que cela comporte de dépollution des esprits, mais aussi d’indifférence à l’égard du continent.
Certes, les deux candidats entretiennent en marge de leur staff de campagne une petite équipe « africaine », composée de gens en général plus âgés qu’eux et qui ont une expérience en la matière. Michel Roussin, Jacques Godfrain, Hervé de Charette côté Sarkozy. Jean-Louis Bianco, Charles Josselin ou encore le député du Pas-de-Calais Serge Janquin côté Royal laquelle n’a curieusement pas sollicité le seul ex-responsable de gauche qui ait vraiment réfléchi sur ce sujet, Hubert Védrine. Mais nul ne s’y trompe : ces think-tanks ne sont là que pour conseiller, et le (la) futur(e) élu(e) n’en fera qu’à sa tête : tous deux ont en commun une conception très personnelle de la politique étrangère.
Quel est le meilleur candidat pour l’Afrique ? Question insoluble, tant la réponse semble soumise au principe de réalité, tant les promesses de refondation suivies d’une reprise des mauvaises habitudes semblent devoir être la règle en ce domaine. On notera simplement un indice, fondé sur une différence de comportement. Les trois irruptions audibles et lisibles de la candidate socialiste sur l’Afrique (un article dans Témoignage chrétien, une lettre adressée à la « Coordination Sud » et un discours sur le
Darfour) ont été destinées à un public français. Celui des ONG et des altermondialistes,
qui est à ses yeux essentiellement un électorat. La seule vraie divergence entre son programme africain et celui de Nicolas Sarkozy consiste d’ailleurs à promettre aux ONG de faire transiter par leur canal une partie de l’aide publique au développement. Sous quel contrôle se fera cet abandon des prérogatives de l’État ? Qui vérifiera ce que les ONG font de cet argent ? L’engagement est sans doute médiatique, mais également démagogique et finalement aussi irréaliste que la menace d’un boycottage des J.O. de Pékin pour cause de Darfour.
En revanche, les deux interventions de fond du candidat de l’UMP sur l’Afrique, outre qu’elles sont incontestablement plus précises et plus travaillées que celles de sa rivale dont on ignore, par exemple, la position sur la Côte d’Ivoire , se sont faites sur le continent (discours de Cotonou) et par le biais d’un entretien avec un média à la fois référentiel en la matière et influent auprès d’un lectorat qui n’est pas un coeur de cible électoral (Jeune Afrique).

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Même si l’une a vu le jour à Ouakam et l’autre à Neuilly, l’intérêt et le sérieux avec lesquels les deux candidats se sont préparés à aborder l’Afrique compliquée, y compris sa partie maghrébine, sont donc de nature et de niveau différents. Autant il est permis de critiquer, voire de redouter, le programme de Nicolas Sarkozy en matière de traitement de l’immigration en France, autant la légèreté électoraliste dont fait preuve Ségolène Royal dans la définition de sa politique africaine a de quoi inquiéter. Les vagues promesses et les bons sentiments ne font pas une bonne politique étrangère, tout juste préparent-ils le lit des désillusions à venir.

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