Ségolène : royale dans les cités !
Bingo ! Le premier tour de l’élection française confirme les résultats du sondage de Jeune Afrique sur le vote des minorités issues de l’immigration, effectué en mars dernier. 60 % des sondés y déclaraient leur intention de voter Ségolène Royal. Le 22 avril, ils sont passés à l’acte, choisissant pour la plupart la candidate socialiste. Quelles leçons tirer de ce vote qu’il ne faut pas hésiter à nommer « communautaire », tant il est travaillé par les mêmes préoccupations et porteur des mêmes espoirs ?
D’abord, la vaste mobilisation civique des Français issus de l’immigration noire et arabe. Ces derniers ont répondu à l’appel des urnes, on les a vus patienter devant les bureaux de vote, on les a entendus inciter leurs parents et amis à accomplir leur devoir de citoyens. Preuve que ces nouvelles générations ne sont pas si désabusées de la politique que ne l’ont laissé entendre les analystes de la révolte des banlieues en novembre 2005. Preuve que les jeunes des cités ne sont pas les dilettantes que l’on nous décrit, ni les salafistes aux barbes rétives au monde, ni les dealers traînant dans les cages d’escaliers.
En prenant part à cet exercice de la démocratie, ces nouvelles générations ont prouvé que le réflexe dictatorial et le penchant pour l’allégeance, si présents dans leurs pays d’origine, ne se transmettent pas dans les gênes (sic). Ils ont appris les pratiques démocratiques en France et donneraient bien en exemple cette nation au Continent.
Ce sont ces fils et filles d’immigrés qui, pour ce premier tour au moins, ont sauvé en
partie la gauche. Pas rancuniers les Beurs ! Alors qu’il y a lieu de l’être à l’égard d’un Parti socialiste qui a échoué, depuis leur marche en 1983, à élaborer une vraie politique d’intégration. Si ce report sur la gauche ne signifie pas toujours une vraie déception de la droite (Chirac, qui a su nommer les maux de l’immigration et des ministres qui en sont issus), il exprime le retour dans le giron d’un parti qui continue à symboliser, à tort ou à raison, des valeurs de justice et l’image d’une France moins tentée par le démon du repli identitaire. Tout en réinscrivant le Parti socialiste dans sa première philosophie des droits de l’homme, le vote immigré le charge cependant du pari du renouveau, le forçant à se réapproprier la question de l’intégration autrement que par de simples slogans et principes creux.
En votant pour Ségolène Royal, les jeunes Arabes et Noirs, souvent de confession musulmane, ont fait le choix d’une femme. Certes, le réflexe anti-Sarko, pourfendeur de la racaille et partisan du nettoyage au Kärcher, a galvanisé les troupes, mais rien n’est venu montrer la moindre réticence chez cet électorat à rallier une femme. C’est probablement ce qu’il faut retenir le plus de ce vote : il vient tordre le cou à un préjugé. L’idée n’est-elle pas ancrée que les Noirs et les Arabes de banlieues sont des petits tortionnaires dressés pour intimider la gent féminine, des misogynes qui ont institué la loi des « mecs » dans les cités et qui n’ont que mépris à l’égard des « meufs » ? Eh bien non ! Ces jeunes viennent de démontrer qu’ils n’ont rien contre le pouvoir d’une femme et ne s’offusqueraient pas de voir à l’Élysée un président en jupe. Édifiant, non ? Alors, « respect ! » comme disent les gamins des quartiers.
Maintenant, quelle que soit l’issue du second tour, nous savons déjà que nos jeunes ont définitivement pris date avec la politique et que si l’immigration fut convoquée à cette élection comme source de problèmes, il ne tient qu’aux enfants d’immigrés d’en faire, demain, un motif d’espoir.
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