La vie au temps de Sékou Touré

Comment une adolescente a vécu au jour le jour le régime de fer imposé à la Guinée.

Publié le 29 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

La fameuse « petite Peule » a grandi. Oui, c’est bien l’adolescence de la tendre héroïne
de son premier ouvrage (paru en 2000 aux éditions Mazarine) que Mariama Barry nous narre maintenant, dans un style élégant et précis. Roman, affirme la couverture, mais il
s’agit bien plutôt de la vie elle-même, de sa vie, sans aucune fiction ni dissimulation : les événements heureux (ils sont rares) ou tragiques, les relations
avec les proches (souvent difficiles), l’environnement politique, familial, religieux, culturel. Et les réflexions (intelligentes) que cela lui inspire.
Toute gamine, ses parents désunis l’avaient envoyée depuis Dakar vivre au Fouta, au sein d’une partie de la famille restée au pays. Elle raconte dans ce deuxième ouvrage, en
trente chapitres dont beaucoup portent en titre des proverbes peuls, comment l’adolescente qu’elle devient sous nos yeux se heurte jour après jour aux règles rigides et intangibles qui imprègnent la vie quotidienne au Fouta Djalon : la famille, la religion
Mais, surtout, une nouvelle règle tente de se superposer à toutes les autres, celle de la Révolution qu’après l’indépendance Sékou Touré veut imposer à la Guinée tout entière. Le Parti démocratique de Guinée (PDG) et ses dirigeants nationaux et locaux, les discours du président et les slogans qu’il faut crier en toute occasion, les milices populaires, les nouvelles célébrations nationales et les visites des délégations, tout un nouveau système se met en place, qui rythme désormais l’existence du peuple proclamé
souverain.
Notre héroïne, qui frissonne aux premiers bonheurs d’un amour partagé, décrit tout par le menu : l’école où l’enseignement est désormais axé sur l’idéologie, les activités culturelles qui s’inscrivent dans la ligne de la Révolution culturelle socialiste, les
travaux des champs obligatoires pour tous les écoliers et étudiants, le commerce privé interdit et les privations que cela entraîne
La jeune fille cherche à fuir les contraintes familiales, à s’inscrire dans une école éloignée et plus accueillante, mais de tragiques événements interviennent sans cesse
pour lui rappeler l’empreinte partisane : les jeunes étudiantes servent de « prime de
craie » aux prétendus professeurs, des arrestations arbitraires, des disparitions inexpliquées, des exécutions sommaires se produisent régulièrement.
La faim tenaille la narratrice à travers tout l’ouvrage. Mais on sent bien que ce n’est
pas seulement celle que ressent son estomac juvénile et qui l’entraîne dans bien des mésaventures : c’est surtout la faim de connaissances, la soif de comprendre, le désir absolu de liberté et d’épanouissement personnel. On pressent que rien ne l’arrêtera dans ce combat. Et l’on attend avec impatience que la petite Peule, dont nous avons maintenant partagé l’adolescence, nous raconte dans un prochain livre son destin de jeune
femme, dont on sait déjà qu’il sera marqué de manière indélébile par les épreuves qu’elle a vécues.

Le Coeur n’est pas un genou que l’on plie, de Mariama Barry, éditions Gallimard
(collection Continents noirs), 206 pages, 17 euros.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires