Traîtres pour les uns

Publié le 29 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

La guerre d’Algérie, fait-on souvent remarquer, n’a guère inspiré les cinéastes européens et plus particulièrement français. Les films les plus célèbres sur le sujet sont, il est vrai, soit algériens – notamment, sur les prémices du conflit armé, la Chronique des années de braise de Lakhdar Hamina, Palme d’or du Festival de Cannes en 1975 -, soit réalisés du point de vue des combattants indépendantistes – comme la fameuse Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo d’après les souvenirs de Yacef Saadi. Voilà déjà pourquoi il faut saluer comme un petit événement la sortie de La Trahison, un récit adapté d’un livre du journaliste français Claude Salles rapportant un épisode de la guerre que ce dernier a vécu en personne sur le sol algérien.
Tourné par Philippe Faucon dans la région de Bou Saada, à 300 km au sud d’Alger, ce film raconte comment un conscrit devenu sous-officier de l’armée française, le sous-lieutenant Roque, dirige non sans difficultés à la fin des années 1950 un poste militaire qui doit faire régner l’ordre – colonial bien sûr – dans un village et la région qui l’entoure dans le Sud-Est algérien. Sous son commandement, outre quelques dizaines d’appelés métropolitains comme lui, quatre « Français de souche algérienne », comme on disait à l’époque du côté « européen » pour désigner les Algériens enrôlés au titre du service militaire. Parmi ces hommes, qui n’étaient donc pas des harkis, et en lesquels il a toute confiance, il apprécie particulièrement l’un d’entre eux, le précieux caporal Taïeb. Celui-ci, apparemment très dévoué, servant d’interprète, lui permet d’entretenir des rapports qu’il croit « bons » avec la population. Mais il apprendra finalement, sur la foi de renseignements obtenus par une autre unité lors de l’interrogatoire très musclé de combattants indépendantistes prisonniers, que les quatre soldats en question s’apprêtent en réalité, Taïeb en tête, à rejoindre les maquis du FLN après l’avoir tué pour prouver leur détermination à changer de camp.
Pour Roque, bouleversé par cette révélation, il s’agit là bien sûr d’une trahison – d’où le titre du film. Pour les appelés algériens, comme le montre le réalisateur en faisant apparaître subtilement scène après scène et détail après détail le fossé qui sépare irrémédiablement colonisateurs et colonisés, il ne s’agit que de tirer les conséquences d’une situation impossible à vivre et qui ne peut durer. Car, dans ce cas, trahir, leur apparaît-il petit à petit, ce serait rester au service de l’armée française. Car on ne peut trahir que ses semblables, pas ses oppresseurs.
L’exposition et l’opposition de ces deux points de vue, l’un clairement exprimé, l’autre plutôt suggéré, fait tout l’intérêt de ce récit qui sait ménager le suspense. Et que n’alourdissent jamais la moindre tentation pédagogique ou la moindre recherche d’effets faciles. Une réussite qui démontre en tout cas que la guerre d’Algérie peut fournir la matière d’excellents longs-métrages pour peu qu’on l’aborde sans préjugé manichéen.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires