Rushdie, les islamistes et le sexe

Publié le 29 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

« Si les islamistes font exploser des bombes dans les pays occidentaux, c’est parce que les femmes n’y sont pas voilées. Consciemment ou inconsciemment, ils veulent rétablir ainsi leur honneur. Cela a beaucoup à voir avec une peur sexuelle des femmes », explique Salman Rushdie dans une interview parue le 19 janvier dans le magazine allemand Stern. Vade retro, Satana, « couvrez ce visage que je ne saurais voir ! » s’exclamerait donc tout islamiste qui croiserait le chemin d’une femme non voilée et donc potentiellement dangereuse.
L’Occident a négligé jusqu’à présent l’importance du lien entre l’islamisme et l’honneur masculin bafoué, estime l’écrivain indo-britannique dont le nouveau roman, Shalimar le clown, raconte l’histoire d’un jeune musulman du Cachemire qui tombe amoureux et sombre dans l’extrémisme religieux.

Certes, l’opinion mondiale est traumatisée par les talibans en Afghanistan qui ont « bâché » les femmes en leur imposant le burqa avec son impressionnant grillage devant les yeux ; mais cela ne peut occulter le fait que cette pratique est un phénomène marginal, résiduel au sein du monde musulman. Déjà victime d’une fatwa pour apostasie, lancée en 1989 par l’ayatollah Khomeiny, l’auteur des Versets sataniques revient à la charge en voulant expliquer l’extrémisme religieux par la sexualité supposée contrariée des islamistes. Si fantaisistes que soient ses nouvelles déclarations, elles n’en révèlent pas moins la propension de nombreux écrivains, dont certains talentueux, à sortir du champ littéraire stricto sensu pour donner leur point de vue – parfois contestable – sur les affaires du monde.
S’il faut dissocier l’uvre de son auteur, juger l’une et non pas l’autre, la frontière entre les deux n’est pas toujours claire. Et si tout le monde s’accorde sur le génie de Céline, personne n’oublie pour autant qu’il était antisémite. Et l’on pense alors à cette pléiade d’écrivains ou d’écriveurs qui stigmatisent l’islam et les musulmans : de Taslima Nasreen (victime elle aussi d’une fatwa) à Michel Houellebecq (« l’islam est la religion la plus con au monde ») en passant par Oriana Fallacci (« les musulmans passent leur temps à prier le c… en l’air cinq fois par jour »), l’islamophobie serait-elle en train de devenir un genre littéraire à part entière ?
Fustiger le voile comme symbole de la soumission de la femme (Fallaci encore : « Si dans certains pays les femmes sont assez stupides pour porter le tchador, tant pis pour elles. »), admettons. Défendre la modernité émancipatrice, soit. Mais s’interroger sur la surexposition de la nudité dans les sociétés occidentales devrait être également concevable. « Cette omniprésence du sexe sur les murs de nos villes, sur nos écrans, petits ou grands, comme dans une bonne partie de la littérature contemporaine, cela dit quelque chose sur notre époque. Le racolage du lecteur ? Sans doute. Un goût pour la liberté ? Aussi, et c’est tant mieux. Mais qui ne va pas, parfois, sans une part d’aliénation ». Cette réflexion du philosophe André Comte-Sponville est à méditer.

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