Rawlings toujours là

Publié le 28 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

A le voir sillonner les routes du pays, haranguer les foules et les inciter à aller voter le 7 décembre pour le National Democratic Party (NDC) le parti qu’il a créé en 1992 , non sans une bonne volée d’insultes contre le gouvernement, d’aucuns pourraient croire que Jerry John Rawlings, 57 ans, est candidat à l’élection présidentielle. Que nenni ! L’ancien chef de l’État qui a pris le pouvoir par les armes à deux reprises, en 1979 et 1981, n’a plus le droit de se présenter à la magistrature suprême. En 1992, il avait ouvert lui-même le pays à la démocratie et fait voter une Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. En 2001, il a donc cédé Osu Castle à son ennemi intime, le leader du New Patriotic Party (NPP), John Agyekum Kufuor, sorti vainqueur des urnes.
Aujourd’hui, tout semble indiquer qu’il le regrette. « JJ » ou « Junior Jesus », comme ses concitoyens aiment à l’appeler, est plus turbulent que jamais en cette période électorale. Oublié ses velléités de carrière politique internationale qui l’avaient conduit en 2001 à endosser l’habit de « personnalité éminente » de l’ONU dans la lutte contre le sida. Mal du pays qu’auparavant il n’avait jamais quitté plus de trois mois ? Manque d’intérêt pour la diplomatie et ce qu’elle comporte de compromis et de discrétion ? En tout cas, l’ancien capitaine de l’armée de l’air n’est pas le Ghanéen qui s’est le mieux illustré sur la scène internationale. Ce qui ne l’empêche pas d’être encore le chouchou d’une bonne partie de ses compatriotes pour son charisme et sa flamboyante exubérance. Pour son côté bateleur aussi, qui ne rechigne pas à fréquenter
les maquis et à rendre son salut sans protocole à quiconque l’apostrophe.
Mais ce qui fait le bonheur des uns en agace beaucoup d’autres. Que John Kufuor et le NPP les trouvent déplacées, voire dangereuses, les invectives que Rawlings lance à tout bout de champ contre le gouvernement ne sont que jeu politique. Mais quand il affirme, à la veille de l’élection, que la seule garantie pour le Ghana de ne pas subir un nouveau coup
d’État c’est de voir le NDC revenir au pouvoir, les proches de Kufuor ne sont plus seuls à s’inquiéter pour la tranquillité du pays. Les services de sécurité sont d’ailleurs sur les dents. En témoigne l’arrestation, le 6 novembre, de sept anciens soldats du 64e régiment (celui qui fut le sien), qui avaient stocké des armes chez eux. L’ex-chef de l’État s’est empressé de démentir les liens qu’on l’accusait d’entretenir avec eux.
De fait, peu nombreux sont ceux qui croient véritablement qu’il pourrait traduire ses discours emportés et provocateurs en actes. Sa capacité de nuisance se manifeste plutôt au sein de son propre parti où son côté trouble-fête fait des émules. Les frondeurs s’y font de moins en moins discrets. Ainsi, lors du congrès de décembre 2002, nommé « père fondateur » et privé de toute prérogative, il joua de sa grande influence chez les délégués régionaux pour obtenir qu’ils choisissent comme candidat à la magistrature suprême son poulain, John Atta Mills, contre l’ancien ministre des Finances, Kwesi Botchwey, chef de file de la frange moderniste du NDC. Fatigués de la présence par trop envahissante de Rawlings dans les meetings (parfois au détriment d’Atta Mills) et dans les affaires du parti, qui est pratiquement géré depuis sa propre maison, où tout se décide, de nombreux cadres se rallient à Botchwey et montrent peu d’entrain dans la campagne présidentielle du NDC.
Dans leurs rangs, des voix murmurent même qu’une scission pourrait avoir lieu dans les années à venir si Kufuor était reconduit. Et, à leurs yeux, le coupable ne serait, alors, que Jerry Rawlings, qui n’a jamais réellement voulu admettre que d’autres hors ou dans son propre camp soient aussi capables de gouverner.

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