Pathétique Syrie

Publié le 28 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a soixante ans, ce qu’on appelle le monde arabe vingt-deux « États » membres d’une « Ligue »(*) n’a connu, sauf quelques exceptions qui se comptent sur les doigts de la main, que de très mauvais dirigeants.
Certains n’ont rien fait et, par leur incurie, ont laissé le pays dont ils avaient la charge prendre du retard par rapport au reste du monde: ils se sont servis au lieu de servir ; d’autres ont pris des décisions dont beaucoup ont été désastreuses. Ils ont provoqué des guerres dont leur pays est sorti vaincu, détruit, occupé.
(Voir p. 14 le « Forum » de Mona Eltahawy.)
À l’exception de la guerre d’Algérie, qui a conduit à l’indépendance, la vingtaine de conflits armés qu’a connus le monde arabe au cours du dernier demi-siècle ne lui ont
apporté que déboires et régression. Beaucoup trop d’entre eux se sont conclus sur d’humiliantes défaites.

En dehors du monde arabe, et à l’exception notable de la Tchétchénie, il n’ya plus guère sur notre planète de pays militairement occupés par une ou des puissances étrangères. Dans
l’ensemble arabe, en revanche, une demi-douzaine de pays sont soit occupés et piétinés, soit encombrés de bases à partir desquelles l’Amérique bombarde un ou d’autres pays arabes.
Cela dit, je ne vous parlerai cette semaine ni de l’Irak ni de la Palestine: avec la complicité active ou passive des dirigeants de leurs voisins arabes, l’Amérique et Israël ont carte blanche pour en faire et y faire ce qu’ils veulent.
Je vous parlerai du cas tout aussi pathétique de la Syrie.

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Le fils de son père, qui en est le président depuis plus de quatre ans, s’est résigné à capituler devant Ariel Sharon. Après avoir perdu les quatre années écoulées à tenter de faire accepter à Israël de « reprendre les négociations là où elles ont été interrompues (sic) il ya presque cinq ans », il a trouvé, le 24 novembre, en Terje Roed-Larsen, coordinateur de l’ONU pour le Proche-Orient, une âme assez charitable pour transmettre le message suivant :
« Le président Assad m’a affirmé aujourd’hui qu’il tendait la main à son homologue israélien et qu’il était prêt à aller à la table (des négociations) sans conditions. »
De Jérusalem parvint, dans la journée, la réponse que vous devinez. Cinglante et n’émanant même pas d’Ariel Sharon lui-même, qui a dû estimer que « le roitelet arabe »
n’est pas de son rang.
C’est son ministre des Affaires étrangères qui s’est offert le plaisir d’humilier Bachar al-Assad, la Syrie et tous les Arabes. Il a déclaré en substance :
– Le président syrien dit renoncer aux conditions qu’il avait mises pour négocier avec nous. Bien. Mais puisqu’il ne l’a pas encore compris, il faut lui dire que les conditions, c’est nous qui les posons : nous négocierons (peut-être) avec lui (ou son successeur) lorsque nous estimerons qu’il a accepté et mis en uvre toutes nos exigences, bien connues de lui.
Autrement dit, nous, Israéliens, avons toutes les cartes, et les dirigeants arabes actuels n’en ont aucune.

Le ministre israélien ne sait pas qu’avec cette seule phrase il a fabriqué un millier de recrues pour Oussama Ben Laden et Abou Moussab al-Zarqaoui.
Ou peut-être ne le sait-il que trop et dit-il ce que j’ai résumé ci-dessus, parce que augmenter le nombre et la rage des islamistes est précisément ce que veut son chef, Ariel Sharon
Mais en attendant, pauvre Syrie, pauvre monde arabe.

* La Ligue des États arabes, créée le 22 mars 1945 à l’instigation du Royaume-Uni. Sa seule prouesse est d’avoir réussi à durer soixante ans, sans rien faire de bon.

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