RD Congo : à qui profitera le barrage d’Inga 3 ?
Selon un protocole d’accord signé en mars, plus de la moitié de la production de l’ouvrage congolais sera exportée en Afrique du Sud. Un choix qui ne fait pas l’unanimité en RD Congo.
Le gouvernement d’Augustin Matata Ponyo est convaincu de son affaire : la construction d’Inga 3, le premier des six barrages formant le complexe du Grand Inga, va pouvoir démarrer et durera six ans. Après l’abandon, en février 2012, par BHP Billiton de sa raffinerie d’aluminium, qui devait être le principal client et partenaire financier d’Inga 3, Kinshasa a finalement répondu positivement aux sollicitations de l’Afrique du Sud pour démarrer ce projet sans cesse reporté. Après deux rencontres sur le sujet, l’une à Pretoria en octobre 2012, l’autre à Kinshasa les 7 et 8 mars, les représentants des deux pays ont signé un protocole d’accord, qui doit prochainement passer en conseil des ministres.
« Cela fait des années que l’Afrique du Sud tanne la RD Congo pour qu’elle devienne son fournisseur d’électricité. L’industrie sud-africaine est aujourd’hui bridée par la pénurie de courant, rappelle Thierry Vircoulon, directeur Afrique centrale de l’International Crisis Group. Le président Joseph Kabila l’aurait promis à son homologue Jacob Zuma en 2010 : si l’Afrique du Sud aidait son pays à l’organisation des élections de 2011 et à la pacification de l’est de la RD Congo, alors il accepterait de lui vendre une part majeure de la production d’Inga 3. »
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Éléphant blanc
Pour les promoteurs du Grand Inga, avec un débit de 43 000 m3 par seconde et un dénivelé de 100 m sur 12 km, cette zone du fleuve Congo doit jouer un rôle d’électrification majeur pour tout le continent. Les six nouveaux barrages (Inga 3 à 8) – un « éléphant blanc » pour d’autres – seront positionnés au fond de la vallée de la Bundi, inondée grâce à un canal dérivant le fleuve. Pour 27 milliards d’euros, ce nouvel ensemble permettrait d’atteindre la capacité de 42 000 MW, capable de répondre aux besoins de la RD Congo mais aussi de l’Afrique du Sud et de l’Égypte, selon l’étude menée en 2011 par le français EDF et l’américain Aecom.
D’une puissance de 4 800 MW, Inga 3 sera situé à proximité des deux barrages d’Inga 1 (350 MW à l’origine) et Inga 2 (1 424 MW), construits en 1973 et 1982 et gérés par la Société nationale d’électricité (Snel). Selon le document signé, l’Afrique du Sud recevrait 2 500 MW d’Inga 3, le reste desservant en priorité le Katanga, où l’industrie minière a un besoin urgent de 1 000 MW et dont la demande pourrait atteindre 2 300 MW d’ici à 2020.
#000000; float: left;" />Reste que pour réaliser Inga 3, plus de 7 milliards d’euros sont nécessaires, dont 4,8 milliards pour le barrage hydroélectrique et 2,3 milliards pour les 3 600 km de lignes à haute tension reliant Inga à Witkop, en Afrique du Sud, via Kolwezi. « La Banque mondiale soutient ce projet, j’en ai parlé aujourd’hui avec son vice-président », confiait Augustin Matata Ponyo le 25 mars, tout en reconnaissant ne pas encore avoir de montant ferme tant du côté des institutions de Bretton Woods que des institutions africaines. « La crédibilité du projet auprès des bailleurs de fonds repose sur l’assurance d’avoir des clients importants et sûrs. Depuis le retrait de BHP Billiton, nous faisons le tour des partenaires industriels, au niveau national avec les groupes miniers du Katanga, et au niveau international avec les Sud-Africains », détaille un haut fonctionnaire proche du dossier.
D’aucuns s’inquiètent déjà du peu de place laissé à la consommation des particuliers desservis par la Snel. Minée par les problèmes de gestion, endettée, guettée par les fonds vautours, la société ne distribue le courant qu’à 9 % de la population congolaise. Tenue à l’écart de la plupart des discussions, ce n’est pas elle mais l’un des trois consortiums internationaux présélectionnés par Kinshasa qui construira et gérera le barrage d’Inga 3 : China Three Gorges Corporation, l’association entre les coréens Daewoo et Posco et le canadien SNC-Lavalin, et enfin le tandem espagnol entre ACS et Eurofinsa. « Le choix sera fait d’ici à la fin de 2013, après signature de l’accord final avec l’Afrique du Sud », indique une source gouvernementale.
Hors jeu
Pour l’installation des lignes aussi, la Snel est hors jeu. Le marché devrait intéresser des groupes comme le belge Forrest, déjà présent avec son partenaire Tractebel (filiale brésilienne de GDF Suez), ou les français Alstom et EDF. Le sud-africain Eskom et ses filiales pourraient également se positionner, grâce à une clause du protocole signé en mars avec Pretoria les favorisant dans les appels d’offres.
Selon le Congolais Jean-Paul Mvogo, économiste à Sciences-Po Paris, « le Grand Inga ne sera accepté que si la population bénéficie aussi d’une partie de la manne électrique ». S’il admet que le recours à des partenaires privés est primordial, celui-ci ne doit pas être exclusif. « Le barrage d’Inga 2, dévolu aux mines katangaises, a suscité de nombreuses frustrations, rappelle-t-il. Et la RD Congo doit rénover tout son réseau de distribution, qui connaît des déperditions massives. » Pour cela, le pays n’aura pas d’autre choix que de recapitaliser la Snel, mais aussi de bâtir des petites centrales dans les provinces pour ne pas dépendre uniquement du Grand Inga, principalement tourné vers l’export.
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