Afrique du Nord : le dessalement, un créneau porteur

Pour pallier la faiblesse de leurs réserves, les pays du nord du continent multiplient les appels d’offres. Attisant la concurrence au sein d’un secteur qui ne compte qu’une dizaine d’acteurs.

La station d’El Hamma, à Alger, peut traiter 200 000 m3 d’eau de mer par jour. DR

La station d’El Hamma, à Alger, peut traiter 200 000 m3 d’eau de mer par jour. DR

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Publié le 9 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

Hier coûteux et réservé aux pays pétroliers bénéficiant d’une énergie quasi gratuite, le dessalement de l’eau de mer est de plus en plus prisé en Afrique (surtout dans le Nord) pour la consommation, l’irrigation ou l’industrie. Il faut dire que les coûts de construction des usines ont chuté : ils n’excèdent pas 800 à 1 100 euros le mètre cube par jour (m3/j), contre 1 000 à 1 300 euros le m3/j en 2000. « Le tarif de l’eau dessalée par osmose inverse [l’une des deux technologies disponibles ; l’autre, qui utilise l’évaporation, se raréfie en raison de son coût, NDLR] a baissé de 30 % en moyenne depuis dix ans », confirme Jean-Yves Gadras, directeur du développement Afrique de Degrémont, une filiale de Suez Environnement qui, après avoir inauguré récemment une unité en Australie, se positionne sur les appels d’offres maghrébins.

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Car les projets fleurissent, multipliant les opportunités pour la dizaine de groupes internationaux présents sur ce marché. Le 22 mars, la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) tunisienne annonçait ainsi la réalisation à Djerba d’ici à l’été prochain de sa première usine de dessalement d’eau de mer (quatre fonctionnent actuellement pour les eaux saumâtres), qui devrait produire quelque 50 000 m3/j. Pour cet ouvrage d’un coût global de 83 millions d’euros, six sociétés ont été préqualifées. « Nous entamons les études pour deux autres projets, l’un à Gabès à l’horizon 2014 et l’autre à Sfax pour 2018 », précise Hedi Belhaj, PDG de la Sonede.

L’Algérie – pionnière dans la zone avec onze stations actives, dont une de 500 000 m3/j, l’une des plus importantes au monde, construite et exploitée par le singapourien Hyflux – prévoit de son côté trois nouvelles unités, dont les appels d’offres devraient être publiés prochainement.

Le choix d’une telle technologie est généralement dicté par la nécessité. « Pour certaines zones, le dessalement est le seul recours, même si le prix au robinet reste deux fois plus élevé », précise Hedi Belhaj. Les États doivent répondre à l’explosion démographique des villes (et donc de la demande) situées sur les côtes, loin des réserves d’eau que constituent notamment les massifs montagneux.

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D’après l’Union européenne, c’est le seul moyen viable pour Djibouti de remédier à sa pénurie

Le Maroc, qui estimait jusque-là que les réserves de l’Atlas le mettaient à l’abri du besoin (hormis la région de Laayoune, qui bénéficie d’une petite unité de dessalement), vient ainsi de publier un appel d’offres pour un projet à Agadès. Le premier groupe industriel du royaume, l’Office chérifien des phosphates (OCP), a quant à lui lancé la construction d’une unité à Jorf Lasfar, qui dessalera à terme plus de 220 000 m3 d’eau par jour. La première phase du projet (76 000 m3/j) a été confiée à l’espagnol Cadagua (filiale du groupe Ferrovial) pour 60 millions d’euros ; le démarrage est prévu cette année. L’OCP utilisait jusque-là de l’eau extraite du sous-sol. Mais il veut augmenter sa production de phosphates et d’engrais ; dans ce contexte, le dessalement est apparu comme la solution la plus compétitive et la mieux adaptée aux contraintes environnementales. Une partie de l’eau produite sera, en outre, destinée à la population. Un autre appel d’offres est attendu pour le complexe de l’OCP à Safi.

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Concessions

Leaders mondiaux, les groupes espagnols sont de plus en plus présents dans la zone. Cadagua a déjà réalisé deux usines en Tunisie, l’une à Djerba et l’autre à Zarzis. Son compatriote Abengoa Water est, lui, présent en Algérie, où il gère deux unités et en construit une troisième. En novembre 2012, il a par ailleurs lancé la construction d’une usine d’eau potable au Ghana, qui devrait durer deux ans et mobiliser près de 100 millions d’euros.

Si Alger finance en partie ses projets – l’usine d’El Hamma, dans la capitale, est un partenariat public-privé avec GE Water & Process Technologies -, la plupart des contrats sont des concessions BOT (Build, Operate, Transfer) : l’opérateur construit le site, l’exploite pendant une période donnée puis le rétrocède à l’État. Une prise de risque sur vingt-cinq ou trente ans que toutes les sociétés n’acceptaient pas il y a quelques années. Sous la pression de la concurrence, ce temps est désormais révolu : « Nous ne sommes pas si nombreux mais nous nous retrouvons tous sur l’ensemble des appels d’offres. Le marché est très concurrentiel », explique Jean-Yves Gadras.

La fièvre gagne peu à peu d’autres pays comme Djibouti, où une usine de 22 500 m3/j (extensible à 45 000 m3/j), qui sera alimentée en électricité par un parc éolien, a bénéficié en décembre 2012 d’un financement de 40,5 millions d’euros (sur un budget total estimé à 46 millions d’euros) de l’Union européenne. Celle-ci estime que « le dessalement de l’eau de mer est le seul moyen viable pour Djibouti de remédier à sa pénurie d’eau à court terme ». Le Soudan avait lui aussi lancé un appel d’offres – en stand-by pour l’heure – pour une unité à Port-Soudan, tandis que la Libye, le Sénégal et la Mauritanie planchent déjà sur des projets.

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