Entre rêve et rentabilité

Environ 64000 km de voies en Afrique australe, 12000 km au Maghreb et seulement 5000 km ailleurs… Le réseau ferré africain demeure très hétérogène.

Publié le 28 novembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Et de quatre ? Après les lignes Abidjan-Ouagadougou, Douala-Yaoundé-Ngaoundéré et le réseau ferré du nord de Madagascar, le groupe français Bolloré va-t-il s’adjuger le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), qui relie la capitale Brazzaville au port atlantique de Pointe-Noire ? Rien n’est joué, même s’il fait partie des deux préqualifiés. Associé pour l’occasion à son principal concurrent sur les mers, le danois Maersk, ainsi qu’à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF-International) et au sud-africain Comazar dans un groupement baptisé Congorail, il est face au sud-africain Sheltam-Mvela, après l’élimination des sociétés indienne Rites et sud-africaine NLPI-Spoornet. L’attribution du contrat de concession, prévue à l’origine pour… 1999, sera reportée à janvier 2003, puis à avril 2004. Mais fin août, le comité d’évaluation des offres financières indique qu’aucun des deux candidats « n’a réuni toutes les conditions requises pour la procédure de traitement des offres financières ».
« Le processus de mise en concession n’est pas en veilleuse, ni reporté à plus tard », a indiqué Joséphine Quenard, la secrétaire du comité des privatisations. Certains éléments de la transaction restent à préciser avant qu’une décision puisse être prise, indique-t-on de source proche du dossier. Il s’agit, en particulier, du financement de la Banque mondiale pour réhabiliter le réseau. Aucune date n’est annoncée pour la reprise des contacts entre le gouvernement et les soumissionnaires. En attendant, le chemin de fer se dégrade de façon inquiétante, victime d’attaques, de destructions et de pillages répétés de la part des « milices » qui opèrent dans la région du Pool. Si Congorail devait l’emporter, Bolloré se trouverait en situation de quasi-monopole dans la zone franc pour les transports ferroviaires (hors trains minéraliers et Transgabonais), puisque seule la ligne Dakar-Bamako lui a échappé jusqu’à présent. Depuis octobre 2003 et pour vingt-cinq ans, le groupement franco-canadien Transrail, associant les sociétés Getma et Canac, en assure l’exploitation et la gestion.
Pendant ce temps, plus au sud, les Chinois avancent leurs pions en Angola et au Gabon. Ils semblent attirés par les fabuleux gisements de fer gabonais de Belinga et les tout aussi alléchantes richesses minières de la RDC. Lors de la visite en Chine du président Bongo Ondimba, en septembre dernier, un accord-cadre a été signé pour lancer les études du projet d’exploitation du gisement de fer de Belinga. Découvert en 1955, en pleine forêt équatoriale à l’extrême nord-est du pays, le gisement recèle 1 milliard de tonnes de minerai de fer de haute teneur. Il n’a jamais été exploité à cause de la lourdeur des infrastructures à mettre en place, dont une voie ferrée de plus de 300 km, pour rejoindre l’actuel Transgabonais. À l’autre extrémité, 40 km supplémentaires seront encore nécessaires pour assurer la liaison avec un port en eau profonde qui permettrait aux bateaux minéraliers d’accoster. Lui aussi reste à construire. « Il est difficile de chiffrer le coût de tous ces travaux », a indiqué le ministre gabonais des Mines, Richard Auguste Onouviet, évoquant prudemment « des centaines de milliards de francs CFA ».
Ce sont encore des Chinois qui se déclarent prêts à financer la réfection des 1 300 km du chemin de fer de Benguela, en Angola, détruit par la guerre et truffé de mines. Avec toujours le même objectif : les minerais, ceux de la République démocratique du Congo et de la Zambie. Desservi par la voie ferrée, le port angolais de Lobito constitue pour eux le plus proche accès à la mer. L’appétit des Chinois pour les minerais, dont les cours flambent depuis deux ans, n’a pas échappé aux Guinéens qui jugent que la conjoncture n’a jamais été aussi favorable pour lancer l’exploitation de leurs vastes gisements de fer et de bauxite. Là aussi, de coûteuses infrastructures de transport seraient nécessaires. Et là encore, la Chine manifeste son intérêt, en particulier pour la bauxite, matière de base de l’aluminium.
Pour sa part, le Nepad, très présent dans le domaine des routes (voir p. XX), ne néglige pas le rail dans sa dimension régionale. L’Union du Maghreb arabe (UMA) l’a sollicité pour une voie ferrée transmaghrébine à grande vitesse. Il a également, dans ses dossiers, un projet d’interconnexion des réseaux ferrés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) devant relier le Sénégal au Nigeria. La Banque africaine de développement a accepté de mettre 3,6 millions de dollars pour les études. Mais la réalisation de cette interconnexion dépasserait les 3 milliards de dollars, ce qui laisse planer un sérieux doute sur son aboutissement. La Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) a fait une demande équivalente. Plus au sud, un projet de voie ferrée Nord-Sud entre le Tchad et l’Afrique du Sud raccorderait les liaisons existantes dans la région. Plus à l’est, enfin, le Rwanda peut espérer se désenclaver grâce au rail. Le Fonds africain de développement (FAD) a approuvé, fin octobre, le financement de l’étude d’une voie ferrée reliant la capitale, Kigali, au réseau ferré tanzanien, jusqu’à Dar es-Salaam. Autant de projets qui, mis bout à bout, permettraient de relier le Sénégal à l’Afrique du Sud… Mais les passagers attendront : la rentabilité commande. Priorité aux matières premières.

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