Une erreur de casting

Publié le 28 septembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Lorsque Thabo Mbeki a succédé à Nelson Mandela à la présidence de la République en 1999, tout le monde voyait en lui l’homme qu’il fallait pour le nouvel État Arc-en-Ciel. Après le grand politique qui avait triomphé pacifiquement de l’apartheid, le pouvoir se retrouvait entre les mains d’un technocrate courtois et avisé, qui consoliderait la démocratie sud-africaine.
Il était évident, dès le premier jour, que Mbeki ne donnerait pas dans le populisme. Il était plus à l’aise dans un débat économique qu’à une tribune électorale et il agrémentait ses discours de références littéraires plus que de petites phrases. Mais chacun était convaincu qu’il prendrait les décisions nécessaires pour relancer l’économie sud-africaine. Son charme, sa lucidité, son bagage intellectuel, tout donnait à penser qu’il serait un des grands noms de l’Afrique postcoloniale. Plus dure a été la chute.
Fils d’un compagnon de toujours de Mandela, qui fut lui aussi prisonnier à Robben Island, Thabo Mbeki passa près de trente ans en exil, du temps où le Congrès national africain (ANC) était interdit. Étudiant en économie à l’université du Sussex, en Angleterre, il était considéré par Olivier Tambo, le président de l’ANC lui aussi en exil, comme un successeur possible. Bien qu’il l’eût pris comme vice-président, donc désigné comme successeur, Mandela fut un des rares à avoir des doutes sur Mbeki. Il confia un jour à des proches qu’il regrettait de ne pas avoir choisi plutôt Cyril Ramaphosa, le dirigeant syndicaliste qui joua un grand rôle dans les négociations avec Frederik De Klerk, le leader du Parti national.
Toujours est-il que, bras droit de Mandela, Mbeki réorienta l’ANC, qui était très à gauche, vers une économie de marché orthodoxe. Il fallait du courage, comme il allait en falloir dans les années 1980, pour promouvoir la négociation face à ceux qui rêvaient d’entrer à Pretoria à la tête d’une colonne de chars.

Excès d’autorité
La politique de Thabo Mbeki a permis à l’Afrique du Sud de connaître une période de croissance soutenue. Mais si la classe moyenne noire en a largement profité, le taux de chômage continue de frôler les 40 %. Mbeki semblait ignorer le quotidien des Sud-Africains et passait pour un leader coupé des masses populaires.
La bonne image qu’il pouvait encore avoir à l’étranger en prit un sérieux coup en 2000 lorsqu’il se fit le héraut d’une théorie aberrante, élaborée par des pseudo-scientifiques américains, selon laquelle il n’y avait pas de lien direct entre le sida et le VIH. Une position qui retarda de plusieurs années la distribution des antirétroviraux aux séropositifs et contribua à faire de l’Afrique du Sud l’un des pays où la prévalence de l’épidémie est le plus forte. Sa « diplomatie discrète » à l’égard de Robert Mugabe et du Zimbabwe lui a valu également de nombreuses critiques, en particulier des Britanniques. Il garde en main le dossier, malgré son départ, mais l’accord qu’il a arraché à la mi-septembre semble à cette heure bien compromis.
Cependant, ses amis et ses adversaires sont d’accord sur un point : la cause principale de la chute de Thabo Mbeki est son autoritarisme, sa résistance à toute critique et son refus de la communication. Obstiné, il a probablement tout mis en uvre pour empêcher Jacob Zuma d’accéder à la magistrature suprême. Peut-être, comme l’a assuré le juge Nicholson, a-t-il même interféré et fait pression sur la justice. Il dément catégoriquement et a déposé une plainte pour atteinte à son honneur.
Zackie Achmat, le militant de la lutte contre le sida qui préside l’association Treatment Action Campaign, dit de Mbeki que c’est plus un « gentleman victorien » qu’un leader africain et qu’il n’a jamais mis les pieds dans les townships. Même un ami du président comme Saki Macozoma, qui est passé de la politique aux affaires, reconnaît qu’il manque de simplicité. « Accorder du temps aux gens, recevoir à déjeuner, serrer des mains, prêter l’oreille, tout cela, en politique, c’est aussi important que d’avoir des idées claires, dit-il. Mais cela n’a jamais été le fort de Thabo Mbeki. »

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