Trevor Manuel
Ministre sud-africain des Finances
Si l’humiliante éviction du président Thabo Mbeki a inquiété les marchés, l’annonce, le 23 septembre, de la démission de Trevor Manuel les a littéralement affolés. À peine son nom a-t-il été repéré sur la liste des onze ministres démissionnaires que le rand comme l’indice du Johannesburg Stock Exchange s’effondraient. Et il aura suffi que la rumeur de son retour se répande, puis qu’il confirme lui-même qu’il était prêt à servir le chef de l’État par intérim, Kgalema Motlanthe (voir pp. 32-34), pour que la devise sud-africaine reprenne un peu de vigueur.
Avec sa distance habituelle et une ironie à peine voilée, le ministre des Finances, 52 ans, a fait mine de s’étonner de l’impact de sa démission sur les milieux d’affaires. Il ne s’agissait, a-t-il dit, que d’une procédure normale dans les pays démocratiques, où le gouvernement démissionne avec son chef. Il ne faut y voir aucune manuvre politique, « ni aucune malice ou rancur ».
Mais la surprise du grand argentier ne trompe personne. À la tête des Finances depuis 1996, après avoir été ministre du Commerce et de l’Industrie pendant deux ans, celui qui est considéré comme l’artisan du « miracle économique » sait pertinemment qu’il a la confiance des investisseurs et des marchés. Garant de l’orthodoxie financière, chouchou des banquiers et des institutions internationales, il incarne, avec quelques autres personnalités, comme le gouverneur de la Banque centrale, Tito Mboweni, la stabilité et la défense des lois du marché.
Ce technocrate, militant antiapartheid de la première heure, plusieurs fois emprisonné, avait hérité, à son arrivée au gouvernement, d’un pays aux finances sinistrées. L’Afrique du Sud était au bord de la banqueroute. Avec une croissance retrouvée et régulière – autour de 4 % -, une inflation maîtrisée et une grande réforme fiscale, il a réussi à renflouer les caisses. Mieux : en 2007, il est parvenu, avec des recettes plus importantes que prévu, à boucler l’année avec un budget excédentaire.
Drôle, enjoué, capable de faire rire les députés au milieu d’un austère et long discours sur le budget, le ministre a du charme, du charisme, de la classe. Bien qu’il porte un nom portugais et que sa mère, une Van Söhnen, soit d’origine batave, Trevor Manuel, fils de métis, est considéré dans son pays – esprit « nouvelle Afrique du Sud » oblige – comme un Noir, alors que les Occidentaux le regardent comme l’un des leurs.
Sa rigueur et son penchant pour le libéralisme lui ont valu quelques solides inimitiés, notamment dans les rangs de l’extrême gauche. Les militants du mouvement Anti-Privatisation Forum, qui organisent très régulièrement des manifestations dans les townships, le traitent de « vendu au capitalisme ». Il a aussi régulièrement suscité des réactions hostiles chez les syndicalistes du Cosatu. Mais ceux-ci étant membres de la coalition gouvernementale, ils n’ont jamais pu l’attaquer frontalement. Autre détracteur du ministre, Patrick Bond, économiste sud-africain. « Nous avons vécu cinq effondrements significatifs du rand depuis 1996. Le chômage a doublé et jamais dans l’histoire de ce pays les taux d’intérêt n’ont été aussi hauts », déplore ce professeur de l’Université du Kwazulu-Natal.
Jacob Zuma s’est positionné sur l’échiquier politique comme celui qui est à l’écoute des masses populaires, celui qui garantira enfin une vie meilleure pour tous, comme le promet l’ANC dans ses slogans de campagne. Ménageant la chèvre et le chou, il laisse entendre qu’il conservera la même politique économique afin de ne pas effrayer les milieux d’affaires, tout en assurant aux syndicats et aux plus pauvres qu’ils obtiendront satisfaction. Trevor Manuel peut-il à la fois être le garant d’une certaine continuité et accompagner le grand virage à gauche ? S’il est revenu sur sa démission pour sauver la transition, il n’est pas dit qu’il poursuive sa carrière de ministre sous Zuma. On lui prête en effet depuis longtemps l’envie de rejoindre la Banque mondiale.
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