McCain ou Obama ?

Publié le 28 septembre 2008 Lecture : 5 minutes.

Nous sommes à la veille d’entrer dans le dernier mois de la campagne pour l’élection présidentielle américaine du 4 novembre. Très différente de toutes celles qui l’ont précédée – par son enjeu, par ses protagonistes et par les circonstances -, elle nous intéresse tout particulièrement. Nous nous sentons, d’une certaine manière, concernés et savons presque tout de ses moindres péripéties.

Elle va entrer dans sa dernière ligne droite, marquée par la série de débats télévisés entre les deux candidats, Barack Obama et John McCain, et entre celui et celle qu’ils ont choisis pour devenir, en cas de victoire, le vice-président ou la vice-présidente du pays.
Elle aboutira dans un peu plus d’un mois à la victoire d’un camp – et d’un « ticket » – sur l’autre.

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La plupart de ceux qui connaissent bien les États-Unis – y compris ceux qui souhaitent ardemment, pour le bien de l’Amérique elle-même et celui du monde, la victoire d’Obama – craignent que le vainqueur de la compétition ne soit le « ticket » McCain-Sarah Palin.
Je me situe parmi les rares à pronostiquer la victoire de Barack Obama que, par ailleurs, je souhaite (comme la très grande majorité des non-Américains).
Il vous intéressera, je pense, de connaître les arguments des premiers, les plus nombreux, que j’appellerai les « pessismistes-réalistes », et ceux de la minorité d’optimistes, dont je fais partie : vous pourrez ainsi vous situer dans un camp ou dans l’autre et, si cela vous amuse, prendre des paris

Ceux qui croient dur comme fer que le vainqueur de la compétition ne pourra être, le 4 novembre, que le ticket John McCain-Sarah Palin ont un argument principal dont on ne peut sous-estimer la force. Cet argument, le voici :
La grande majorité des électeurs américains se compose d’hommes et de femmes de niveau très moyen, patriotes, voire nationalistes, religieux et blancs.
Leurs parents étaient ségrégationnistes et leurs arrière-grands-parents, voire leurs grands-parents, ont connu ou peut-être pratiqué l’esclavage des Noirs. Ils ne sont pas encore prêts à voter pour un Noir – Obama, bien que métis, se considère et est considéré comme tel – car il ne leur ressemble pas, leur apparaît supérieur, est perçu comme « un autre ».
Lorsqu’ils seront dans l’isoloir, ils ne se résoudront pas à donner leur vote pour qu’un couple noir s’installe, le 20 janvier 2009, à la Maison Blanche.

Le lourd et négatif bilan de G. W. Bush est sans aucun doute un handicap pour John McCain, républicain comme lui. Son âge avancé – un quart de siècle de plus qu’Obama -, la jeunesse et l’inexpérience de la coéquipière qu’il s’est choisie, leur incompétence à tous les deux en matière économique en feront hésiter et réfléchir plus d’un et beaucoup choisiront alors le vote Obama.
Mais l’Amérique profonde n’est pas prête à donner la majorité de ses voix et celle des délégués de ses cinquante États à un homme tel que Barack Obama, nonobstant ses qualités.
On peut le regretter, mais c’est ainsi. Et d’ailleurs, les autres peuples du monde en sont eux aussi à ce niveau de réaction et à ce stade d’évolution.

Je suis d’accord avec cette analyse, et le constat sur lequel elle repose me paraît juste. Je pense néanmoins que Barack Obama a de grandes chances d’être le prochain président des États-Unis.
Pour deux raisons qui se complètent et devraient ouvrir devant lui les portes de la Maison Blanche :
1- L’homme a fait montre de qualités qu’on ne rencontre presque jamais chez les hommes politiques de son âge et qui lui ont déjà permis, ce qui était inimaginable il y a seulement un an, de battre le tandem Hillary-Bill Clinton avant de les rallier à sa candidature.
Dans ses prévisions pour 2008 (publiées le 31 décembre 2007), le spécialiste de la politique américaine du Financial Times, Clive Crook, croyait pouvoir affirmer : « Hillary Clinton a, chez les démocrates, une place si importante et si enracinée qu’elle ne peut y être battue par personne, pas même par M. Obama. Elle sera donc la candidate du Parti démocrate pour la présidence. »
Obama a fait mentir cette prévision et toutes les prévisions ; il a su trouver les hommes et l’argent, il a élaboré un programme crédible et qui rassemble. Et, surtout, il a suscité parmi les jeunes de son pays, Blancs, Noirs et hispaniques confondus, chez les démocrates, mais presque autant chez les républicains, un espoir immense et contagieux.
Doué pour gagner les votes, l’homme est donc du point de vue électoral un très bon candidat.

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2- Les circonstances. La mort ou la capture d’Oussama Ben Laden ou même seulement d’Ayman al-Zawahiri, le numéro deux d’Al-Qaïda, si elles intervenaient en octobre et si elles étaient avérées, pourraient créer aux États-Unis un climat de ferveur patriotique qui ferait voter McCain plutôt qu’Obama.
En dehors de cet événement hypothétique de nature à contrarier fortement la candidature d’Obama, tout dans la conjoncture américaine et internationale la favorise et infléchit les votes des électeurs en sa faveur :
L’Amérique traverse aujourd’hui – pour la première fois depuis 1929 – une grave crise à la fois économique, énergétique et financière.
Les sondages montrent que ses citoyens ressentent plus qu’on ne le pense la détérioration de l’image de leur pays dans le monde. Et les guerres dans lesquelles le tandem G. W. Bush-Dick Cheney les a entraînés leur paraissent coûteuses et sans fin : ils veulent que cela change et savent que McCain n’est pas, quoi qu’il prétende, bien placé pour conduire ce changement, ne serait-ce que parce qu’il est de son propre aveu incompétent en économie*.

Le « big business » américain, lui, a choisi : il mise sur Barack Obama, et c’est là, croyez-moi, un signe fort.
Traditionnellement, les grandes entreprises américaines, les corporations, comme on dit en anglais, apportaient leur soutien financier aux républicains plutôt qu’aux démocrates.
La tendance s’est inversée en août dernier : depuis quelques semaines, beaucoup de grandes entreprises – au premier rang desquelles des banques, des sociétés de télécoms, de grands laboratoires pharmaceutiques – ont montré qu’elles prévoient une victoire de Barack Obama. Leurs dons aux démocrates – de plus en plus nombreux et importants – sont, pensent-elles, un bon investissement : elles donnent sans compter et, ce faisant, avec leur argent, votent Obama

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* « Je ne pense pas que John McCain soit capable de diriger une grande entreprise ! » Ce jugement vient d’être prononcé par Carly Fiorina, chef d’entreprise elle-même et, actuellement, conseiller économique de… John McCain !

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