L’Afrique doit enseigner Darwich

Publié le 28 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Deux mètres carrés de cette tourbe suffiront désormais / un mètre et soixante-quinze centimètres pour moi / et le reste pour des fleurs aux couleurs désordonnées / qui me boiront lentement.
Israël lui aura refusé l’once de terre qu’il voulait pour faire pousser des tulipes mais Ramallah l’a accueilli, auprès d’Abou Mazen, pour un repos bien mérité qui ne le clouera pas au silence. Car, pour le Galiléen Darwich, qui se définissait avant tout comme « l’enfant des mots simples et le martyr de la cartographie », le silence est impossible. Tant l’uvre qu’il a réalisée est immense, belle, intemporelle, universelle.

Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe, tonne Darwich. Et, bien entendu, cette bombe trouble les sommeils injustes. Mais le poète ne désire pas que « l’État de siège » (titre d’un de ses recueils) s’éternise car, pour lui, la vie est l’intervalle / entre le souvenir de son achèvement / et l’oubli de sa fin. D’où cette résignation vis-à-vis d’Israël: Prenez votre lot de notre sang et partez, écrit-il. La Palestine est ma métaphore. De même, s’il ne cesse de pleurer ses racines arrachées et ses rendez-vous criblés de balles avec Rita – la juive aimée -, dans son cur n’existe que le besoin de chanter / pour tous les ports.
En vérité, Mahmoud Darwich, c’est soixante-sept ans de cri pour la terre, les racines, la paix, l’espoir. Soixante-sept ans de cri contre l’exil, l’absence, la mort, la souffrance, l’injustice. Et soixante-sept ans de lyrisme absolu. Ce n’est pas pour rien que deux des plus grands écrivains israéliens, A.B. Yeroshua et Haim Gouri, préconisent que son uvre soit enseignée. Le second a même eu ces mots courageux : « Enseigner Darwich fait partie du modus vivendi à trouver avec les Palestiniens dont Israël doit connaître les rêves et les blessures. »
Mais il existe bien des parallèles entre le sanglot du Palestinien et la complainte de l’Afrique. L’ignorer est une grave erreur qu’un jour il faudra corriger. On enseigne bien dans les écoles africaines Verlaine, Éluard, Aragon, peut être Frost et Neruda. Mais qui peut suivre un exposé sur Murale, par exemple, dans un amphi de Dakar, Bamako, Conakry, Niamey ou Djibouti ? Bien chanceux qui le peut ! Or Darwich est à sa terre ce que Césaire est aux Caraïbes. Et pour ces deux géants disparus à quelques mois d’intervalle, le terroir n’était que l’alibi pour aller vers l’Homme, l’ultime destination.

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