La « flétrissure » de Pierre Péan

Publié le 28 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Mis en examen pour diffamation raciale, provocation publique à la haine et à la violence raciales, et incitation à la discrimination raciale à la requête de SOS Racisme et de l’association Ibuka (qui s’occupe des rescapés du génocide rwandais), l’« écrivain-enquêteur » Pierre Péan a comparu du 23 au 25 septembre devant le tribunal correctionnel de Paris. Il lui est reproché d’avoir, dans son livre Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994 (Fayard, 2005), repris à son compte des citations de divers auteurs évoquant une « culture du mensonge » censée être une spécialité rwandaise et, plus spécialement, tutsie.
Dans la salle où se déroule le procès, les Rwandais sont nombreux. Ils viennent de France, de Belgique et même de Kigali : une délégation d’Ibuka Rwanda, conduite par son président, Théodore Simburudali. Pierre Péan est assis, chevelure ample, mine grave, tenue sombre discrètement relevée par une pochette rouge.
Premier prévenu entendu, Claude Durand, PDG des éditions Fayard, qui se déclare « indigné », « consterné », de recevoir ainsi « des balles venant de son propre camp ». Mais il « adhère pleinement à l’argumentation du livre de M. Péan ». À l’adresse de SOS Racisme, il lance : « Touchez pas à ma liberté d’informer ! »
Péan prend à son tour la parole. Il s’exprime avec calme, presque douceur. Pour lui, cette mise en examen est « une vraie flétrissure ». Et il rappelle son parcours depuis la guerre d’Algérie ; son premier emploi, dans les années 1960, comme conseiller du ministre gabonais des Finances ; sa dénonciation de la Françafrique ; la crise cardiaque dont il a été victime juste après sa mise en examen « Raciste, moi ? s’exclame-t-il. Ma propre fille est allée au Burundi combattre les maladies et vit toujours en Afrique. Ma sur, mariée à un Camerounais, est la marraine d’une Congolaise. Et c’est moi qui nourrirais de la haine à l’égard des Tutsis ? Cela n’a pas de sens. » Le but de son livre ? Mettre à nu « l’extraordinaire désinformation menée par le régime totalitaire de Kigali ».
Les témoins se succèdent à la barre. D’abord, Bernard Debré, ministre français de la Coopération au moment du génocide, qui « ne pense pas qu’il soit raciste de dire que quelqu’un est un menteur ». « Les Tutsis sont particulièrement intelligents, ajoute-t-il. Si je le disais, vous me traiteriez de raciste ? » Puis, Hubert Védrine, à l’époque secrétaire général de l’Élysée. Embarrassé quand les avocats de la partie civile lui demandent avec insistance s’il adhère au discours de Péan, il lâche : « C’est une discussion intellectuelle, pas judiciaire. C’est un mauvais procès, même si l’analyse de Péan est sociologiquement trop simpliste et politiquement contestable. »
Côté accusation, l’attaque est rude, sans merci. François-Xavier Ngarambe, ancien président d’Ibuka, mène la charge en niant farouchement l’existence d’une culture du mensonge au Rwanda. Il est relayé par Benjamin Apkan, de l’Union des étudiants juifs de France, qui compare les passages incriminés du livre à Mein Kampf d’Adolf Hitler. Déstabilisé, Péan s’effondre, en larmes.
L’audience tourne à la bataille rangée entre ceux qui estiment que Péan a tout simplement fait usage de sa liberté d’expression et ceux qui, en tant que communauté, se sentent insultés par ses propos. Avec, en filigrane, le rôle très controversé joué par la France lors du génocide de 1994. Verdict le 7 novembre.

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