Quatre filles mères sur cinq abandonnent leurs bébés

Publié le 28 août 2005 Lecture : 3 minutes.

«Nous étions deux jeunes ouvrières travaillant dans une usine à Casablanca à tomber enceintes du même homme. Pour éviter le scandale et le déshonneur de la famille, chacune d’entre nous a tenté de le convaincre de nouer des relations légales et de reconnaître son futur bébé. En vain… », nous ont déclaré Hayat, 17 ans à peine, et Nawal, 19 ans. Elles symbolisent le cas de mères célibataires en situation de détresse, vivant un drame de société où le droit de la famille repose exclusivement sur l’institution du mariage et sur les rapports de filiation légitime.
Quatre mères célibataires sur cinq abandonnent leur progéniture dans une maternité. D’autres s’en séparent définitivement sur la voie publique. Au moins cinq bébés « sans père » naissent chaque jour à Casablanca, selon les chiffres des hôpitaux. La plupart des mères célibataires sont de jeunes servantes agressées sexuellement par leur employeur. Dès l’enfance, elles sont placées par leurs parents dans des familles aisées. En manque d’amour, ces adolescentes se font engrosser par le premier venu qui leur promet le mariage. Il arrive aussi qu’elles se fassent violer. […] Dès lors, soit elles demandent à l’homme de les épouser, soit elles se font avorter ou, s’il est trop tard, vont accoucher incognito, loin de chez elles, là où personne ne peut les reconnaître. Si beaucoup sont de crédules petites domestiques venues des campagnes, elles peuvent aussi être des étudiantes ou travailler dans une quelconque usine. Le géniteur peut être le patron ou son fils, un homme accueillant rencontré un jour d’errance, mais aussi « le prince charmant ».

Une enquête réalisée par l’Insaf (Institut national de solidarité avec les femmes en détresse) démontre que 50 % de ces mères célibataires ont été victimes d’une promesse de mariage non tenue, tandis que 28 % d’entre elles avouent que la grossesse est survenue à la suite d’une relation amoureuse. La prostitution arrive en troisième place (14 %), suivie du viol (7 %). S’agissant du niveau scolaire, l’enquête menée par l’Insaf révèle que 42 % des mères célibataires sont analphabètes, 35 % ont suivi des études primaires, 14 % ont atteint le collège et 7 % le lycée. Le taux des mères célibataires se réduit avec l’âge et à mesure que le niveau de scolarité augmente.

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L’Insaf a été fondée en 1999 par Meriem Othmani et des membres de la société civile qui ont décidé de poursuivre le programme initié par l’ONG suisse Terre des hommes. Cette structure tente de prévenir l’abandon des enfants et l’infanticide, et de favoriser la réinsertion familiale et socioprofessionnelle des femmes en détresse. Cette action passe par l’accompagnement post- et pré-accouchement : appui médical et psychologique, règlement des frais d’hospitalisation, d’accouchement, de médicaments, distribution de vêtements, layette, lait, biberons, couvertures… L’institut accompagne administrativement les femmes en les aidant à établir les papiers d’identité et le livret de famille, et à faire face à la justice. Elle les aide aussi dans la recherche d’emploi. D’autres associations se préoccupent du sort de ces éternelles exclues. Aïcha Ech-chenna dispose d’une grande expérience dans le combat pour la levée du tabou sur les mères célibataires, souvent des petites filles victimes de viols ou d’inceste. Selon elle, ces femmes sont tout simplement victimes d’un système. […] À travers son association Solidarité féminine, fondée en 1985, Mme Ech-chenna prend en charge veuves, divorcées et mères célibataires, ainsi que leurs nourrissons et les aide à se réintégrer au sein de la société ou de leur famille.

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