Le malentendu

Publié le 28 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

C’est un Premier ministre plutôt satisfait qui, dans la soirée du 24 mai, a repris l’avion pour Israël après deux jours passés à Washington. Ehoud Olmert a eu droit à une accolade du président Bush et à seize ovations du Congrès pour un discours pourtant médiocre, mais prononcé avec ce qu’il fallait d’émotion et de vigueur. Surtout, son initiative d’un retrait unilatéral des colons israéliens d’une fraction importante de la Cisjordanie a obtenu de l’administration américaine un soutien tout juste suffisant pour satisfaire l’opinion israélienne. Olmert est toutefois un peu déçu que sa proposition n’ait pas reçu un accueil plus enthousiaste. Son projet d’évacuer soixante-dix mille colons dépasse en effet de beaucoup – en nombre d’expulsés comme en charge émotionnelle – le retrait de Gaza tant célébré l’été dernier.
Les Américains attendent avant tout d’Israël un effort sincère pour faire redémarrer les négociations de paix. Bien entendu, Olmert a approuvé, allant jusqu’à adresser à Mahmoud Abbas des louanges qui contrastent singulièrement avec le ton de ses récentes déclarations, dans lesquelles il jugeait le président de l’Autorité palestinienne « faible », « impuissant » et « incapable de contrôler son propre gouvernement ».
Faute d’interlocuteur valable pour négocier la paix, Israël se dit contraint de définir unilatéralement les frontières à l’abri desquelles il souhaite regrouper ses colons. Mais Olmert se trouve piégé dans un véritable jeu de dupes. Car la victoire du Hamas lui complique la tâche plus qu’elle ne la simplifie. Si les États-Unis et l’Europe refusent de traiter avec le Hamas, ils ont en effet un intérêt vital à préserver une alternative, à garder le contact avec les Palestiniens et à faire en sorte que le monde reste favorable à la création d’un État palestinien indépendant, viable et d’un seul tenant. Du coup, Abbas devient pour eux un partenaire incontournable. Régulièrement élu, il reconnaît l’existence d’Israël et a clairement pris position contre le terrorisme. L’administration Bush attend donc d’Olmert qu’il le traite comme un interlocuteur valable plutôt qu’avec l’indifférence, voire le mépris, que lui témoignait Ariel Sharon.
De nombreux Israéliens doutent aujourd’hui que le Hamas eût remporté les élections de janvier si Sharon avait eu la sagesse de coordonner la restitution de Gaza avec Abbas, permettant à ce dernier de s’en attribuer le mérite. Cela dit, les dirigeants américains sont conscients du danger de discuter dès maintenant de questions relevant du règlement final, telles que Jérusalem ou le retour des réfugiés. Une telle négociation aurait fort peu de chances d’aboutir et risquerait au contraire de provoquer de nouveaux accès de violence.
Le temps d’Olmert est compté. Et la capacité d’Abbas à prendre des engagements fermes, limitée. Tout le monde va pour la forme parler de négociations, mais c’est plutôt de coordination qu’il s’agira. Par le truchement d’Abbas, il faut que les Palestiniens puissent s’exprimer sur le plan de retrait israélien, éventuellement par un vote, mais sans droit de veto.
Robert Malley, l’ancien négociateur de Clinton, souligne que les Israéliens ne pourront transformer les idées d’Olmert en un plan réaliste acceptable par Washington avant la fin de l’année. Dans le meilleur des cas. Cela laisse un délai raisonnable pour des pourparlers avec Abbas. « Les États-Unis, explique-t-il, ne devraient pas laisser Israël recourir à l’unilatéralisme, mais plutôt donner sa chance à la négociation. Il peut en sortir quelque chose de positif, qui aide Abbas dans sa lutte contre le Hamas. En même temps, si les négociations échouent, Washington aura eu le temps d’affiner le plan de retrait de Cisjordanie de manière à pouvoir le soutenir. »
Mais de quoi discuter avec Abbas ? Les Israéliens veulent parler sécurité et démantèlement des groupes combattants, sujets sur lesquels Abbas a la marge de manuvre la plus réduite. Abbas, lui, voudrait parler du règlement final, sur lequel il peut s’engager par écrit – mais les Israéliens ne souhaitent pas amorcer de telles discussions tant que les Palestiniens n’auront pas rejeté le terrorisme et démantelé les groupes armés, conformément à la feuille de route.
Trouveront-ils un terrain d’entente ? Aujourd’hui, rien n’est moins sûr.

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