Ibn Khaldoun à Séville

Publié le 28 mai 2006 Lecture : 3 minutes.

Séville. Ce vendredi 19 mai 2006, la file des visiteurs du Real Alcázar est longue. Est-ce pour découvrir ce palais, joyau de l’art hispano-arabe du XIVe siècle, ou l’exposition Ibn Khaldoun, qui vient d’y être inaugurée ? La question mérite d’être posée, car si Séville a conservé les demeures, les patios et les jardins de son passé arabe, il ne semble pas qu’elle se souvienne des grandes figures de l’Andalousie de jadis, Ibn Khaldoun, en l’occurrence. Rares, en effet, sont les Sévillans qui connaissent l’auteur de la Muqaddima – dont la famille est pourtant originaire de leur ville. De même qu’il est vain de chercher une statue, un square ou une rue qui porte son nom.
Il aura donc fallu la commémoration du six-centième anniversaire de la mort du penseur musulman et l’organisation de l’exposition Ibn Khaldoun pour réparer l’oubli. Le mérite en revient à Jeronimo Paez López, le directeur de la fondation El Legado Andalusi, qui a su mobiliser le gouvernement andalou, impliquer les institutions de la région, convaincre le roi Juan Carlos et le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, d’être présents à l’inauguration. Surtout, Jeronimo Paez a réussi à faire déplacer deux chefs d’État arabes, l’Algérien Abdelaziz Bouteflika et l’Égyptien Hosni Moubarak, tout comme le frère du roi du Maroc, Moulay Rachid, les ministres de la Culture tunisien et syrien, le ministre des Affaires étrangères du Qatar, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, et le directeur de l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (Alecso), Mongi Bousnina.
C’est ainsi que, le 18 mai au soir, tout ce beau monde a pénétré dans l’Alcázar, par la place du Gouvernement qui s’appelait jadis la Rahba Ibn Khaldoun. Ils ont ensuite admiré les murs et les plafonds gravés de devises arabes, la Salle des ambassadeurs, où Ibn Khaldoun fut reçu en 1363 par le roi Pierre Ier, dit le Cruel, puis l’exposition à proprement parler, soit 136 pièces venues de 16 pays et réparties sur trois pavillons. On y trouve la porte du sanctuaire de la cathédrale de Séville datant du XIVe siècle, la stèle de la sur d’Ibn Khaldoun ramenée de Tunis, les titres fonciers de sa famille ou l’un de ses sept manuscrits, les seuls retrouvés à ce jour. Une ancienne carte de Majorque retrace l’itinéraire d’Ibn Khaldoun, de Séville où se sont établis ses ancêtres au VIIIe siècle, à Tunis où il a vu le jour, à Fès où il fut nommé secrétaire principal du sultan Abou Inan, à Tlemcen où il occupa le poste de Premier ministre, au Caire où il choisit de mourir, après être passé par Damas où se déroula la fameuse rencontre avec Tamerlan.
Jeronimo Paez explique à ses invités que le but de l’exposition est aussi de montrer les similitudes frappantes entre le XIVe et le XXe siècle. Époques charnières de conflits et de réconciliations, de grands fléaux et de découvertes scientifiques. Juan Carlos se tourne vers Bouteflika pour faire le guide. Et, une fois la visite terminée, c’est dans les jardins de l’Alcázar que le roi d’Espagne va s’adresser à son parterre d’invités. Chefs d’État et princes arabes écoutent religieusement. Aucun d’eux ne dira un mot. Et l’on ne peut s’empêcher de déplorer que, hormis la Tunisie, qui organise tout au long de l’année 2006 des manifestations de commémoration d’Ibn Khaldoun, aucun pays de la région ne fut l’initiateur d’un événement d’une aussi grande envergure.

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