Seif, Aïcha, Saadi et les autres

Publié le 28 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

« A partir de demain, les journaux étrangers seront disponibles dans les kiosques. Le peuple ne peut pas se contenter de trois journaux libyens mal écrits dont il a par-dessus la tête ! » C’est en ces termes vigoureux que Seif el-Islam Kadhafi a conclu, au cours de l’été dernier, un retentissant discours contre la « mafia locale », après avoir égratigné quelques-uns des dogmes du régime. De fait, depuis le mois d’octobre, il est possible de se procurer, en kiosque ou par abonnement, des publications étrangères comme Newsweek, l’International Herald Tribune et, bientôt, Le Monde et Le Figaro. La distribution est assurée par la société One 9 Media, qui appartient à la Fondation Kadhafi pour le développement, que préside Seif el-Islam.
C’est elle également qui, en mai 2006, a lancé Radio FM, la première station libyenne privée, pour laquelle plusieurs dizaines de techniciens libanais ont été recrutés. En octobre, le même groupe a créé la chaîne satellitaire Al-Libiya, concurrente directe de l’austère et unique chaîne publique, qui, à partir de la mi-février, envisage de diffuser des émissions politiques avec « de vrais débats », en complément des nouvelles séries libyennes. Près des studios en chantier, des presses allemandes attendent sous emballage le lancement d’une maison d’édition et celui d’un quotidien libyen « indépendant ». À suivre.
Principal soutien de l’ancien Premier ministre libéral Chokri Ghanem, Seif el-Islam a été l’un des grands instigateurs de l’ouverture vers l’Occident, au point d’exaspérer parfois le ministère des Affaires étrangères. C’est sa fondation qui a demandé à l’économiste américain Michael Porter de définir des propositions de réformes pour la Libye. Elle aussi qui pousse à la libération des prisonniers politiques, n’hésitant pas à « braver l’hostilité des services de sécurité », comme l’indique Fred Abrahams, de l’ONG Human Rights Watch. Bref, Seif est en pleine opération de légitimation politique et s’efforce d’apparaître comme une alternative acceptable.
Tandis que les spéculations sur l’état de santé de leur père vont bon train, les fils et les filles du colonel s’efforcent depuis peu d’occuper le terrain économique. Au mois de décembre, Aïcha Kadhafi a ainsi accordé son parrainage, via l’association caritative Watasimu, à « Project Libya », la 1re foire américano-britannique dans le pays. « Ce service payant au profit de Watasimu n’a pas été sollicité par nous, au départ », précise un organisateur américain.
Désormais chargé de la sécurité militaire, Saadi a quant à lui parrainé le Lavex, le salon aéronautique de Tripoli, et signé un accord avec la société émiratie Emaar en vue de la création d’une zone de libre-échange. Mohamed continue de diriger, discrètement mais efficacement, l’entreprise nationale des télécoms, tandis que Mottasem a récemment été nommé conseiller à la sécurité nationale. Il a notamment assuré la protection rapprochée du Premier ministre japonais, lors de sa visite à Tripoli, en décembre.
« Plus que de gagner de l’argent, ce qui les intéresse c’est d’exister, de marquer l’histoire de leur pays », commente un entrepreneur européen. « Si l’un d’eux décide de favoriser votre dossier, il vous présentera sa facture après coup. Au profit d’un fonds ou d’une association, bien sûr », renchérit l’un de ses collègues. Indiscutables vecteurs de la modernisation du pays, les enfants Kadhafi s’efforcent de contourner un système par trop rigide. Mais ils n’omettent pas d’en tirer profit au passage.

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