Nairobi, Davos

Publié le 28 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

L’actualité de la semaine écoulée a été marquée par deux événements qui, s’ils se ressemblent, se présentent à nous comme concurrents, voire opposés.
Le Forum social mondial a rassemblé, du 20 au 25 janvier 2007, plusieurs dizaines de milliers de mécontents à Nairobi, capitale d’un pays africain inégalitaire et sous-développé : le Kenya.
Le Forum économique mondial a pris le relais tout de suite après, à Davos, et n’a réuni, dans cette luxueuse station de sports d’hiver d’un pays nanti, la Suisse, du 24 au 28 janvier 2007, que quelques centaines de personnes très contentes, elles, de leur sort et de l’état du monde.
Les noms de ces deux manifestations, les lieux que se sont choisis leurs organisateurs, le nombre des participants sont significatifs.

Le premier Forum se dit donc social, récuse l’ordre économique en vigueur et va jusqu’à mettre en doute les bienfaits de la mondialisation : ses porte-parole soutiennent, en tout cas, que les injustices et les inégalités qu’elle charrie sont si criantes qu’elles annulent ses bienfaits, lorsqu’ils existent.
« Puisque mondialisation il y a, ajoutent-ils, il faut qu’elle soit plus que corrigée : transformée en une autre. »
Ce premier forum attire énormément de monde et se veut « la voix des sans-voix ».

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Le second est économique et attire les grands bénéficiaires de cette fameuse mondialisation. Ils sont forcément moins nombreux : c’est une élite de l’argent et du pouvoir, tout naturellement liés.
Leur thèse est que la mondialisation a fait entrer l’humanité entière dans une ère de prospérité sans précédent. « On peut améliorer les choses sur les marges, disent-ils, mais il faut surtout veiller à ce que l’ordre politico-économique qui a rendu la mondialisation possible soit, pour l’essentiel, préservé et consolidé. »

Qui a tort ? Qui a raison ? Une réponse facile serait de statuer que les uns et les autres ont à la fois tort et raison :
– il est exact que la mondialisation a permis de faire reculer la pauvreté dans le monde – et pas seulement dans sa partie développée ou en émergence – beaucoup plus vite que jamais auparavant : ceux qui vivent avec 1 dollar par jour, ou moins, représentaient, en 1993 (il y a donc moins de quinze ans), le quart de l’humanité (1,2 milliard de personnes) ; en 2001, ils en représentaient encore (ou seulement) le cinquième, soit 1 milliard d’hommes et de femmes. Et tout indique que ce nombre sera divisé par deux d’ici à 2015 et ramené, avant cette date, à quelque 600 millions de personnes, soit moins de 9 % de la population mondiale de 2015.
– Il est non moins exact, cependant, qu’une mondialisation moins inégalitaire aurait pu permettre de faire reculer cette extrême pauvreté plus vite, voire de la faire disparaître d’ici à 2015, car la pauvreté extrême, moins de 1 dollar par jour et par personne, « n’a pas sa place dans une société humaine civilisée : sa place est dans les musées » (Muhammad Yunus dixit).

Cela pour les personnes. Si l’on considère plus globalement les pays, on constate que quatre d’entre eux, parmi les plus grands, méritent vraiment le label de pays émergents, ou plus exactement réémergents : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (presque la moitié de la population mondiale).
On les a rassemblés sous l’acronyme de BRIC’s et ils « cassent la baraque », comme on dit.
Le plus dynamique d’entre eux, la Chine, a rattrapé et dépassé, au cours des cinq dernières années, d’abord l’Italie, puis la France, puis le Royaume-Uni, et dépassera, cette année ou au plus tard en 2008, l’Allemagne.
On prévoit qu’elle aura le poids économique des États-Unis dans une génération (2035) et que l’Inde la suivra à dix années de distance.
À eux quatre, les « BRIC’s » sont partis pour égaler, puis dépasser, dans les deux prochaines décennies, en poids économique, les sept pays les plus industrialisés du monde, regroupés au sein du fameux G7*.
C’est une révolution en marche et nous la devons à cette mondialisation, saluée à Davos, et décriée à Nairobi.

À ce stade, quel jugement porter sur cette mondialisation, phénomène de notre époque et qui régit nos vies depuis une quinzaine d’années ?
Il est aussi réel qu’inégalitaire, ce phénomène. Les « altermondialistes » ont donc bien raison de militer pour qu’il soit corrigé, amélioré, autant que faire se peut.
C’est le bon combat de tous ceux qui veulent bien de la mondialisation, mais pas de celle qui profite seulement, ou surtout, à la minorité la mieux placée pour en bénéficier.

* États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada.

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