Moroni compte sur ses amis

Le 8 décembre se tiendra à Maurice la Conférence des bailleurs de fonds en faveur des Comores.

Publié le 27 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Les Comores reviennent de loin. Lorsqu’en août 1997 les séparatistes d’Anjouan proclament unilatéralement leur indépendance et annoncent l’installation d’une administration autonome sur leur île, le pays est sur le point d’imploser. Bien souvent malmené au cours de sa courte histoire, le jeune État comorien est, plus que jamais, au bord du gouffre. Et l’archipel, qui souffre déjà des multiples maux du sous-développement, s’enfonce dans une crise apparemment insoluble.
Huit ans après, les Comores sont toujours unies. Mais s’il a pu surmonter les affres du séparatisme, le pays est encore en pleine convalescence. Après s’être dotée d’une nouvelle Constitution le 23 décembre 2001, la population a élu son président et son Parlement. Dans le même temps, chacune des trois îles s’est choisi un exécutif insulaire et une Assemblée. Malgré la complexité de ce schéma institutionnel, l’État continue de fonctionner. Avec les moyens du bord. Pour mobiliser les ressources nécessaires à son développement, le pays sollicite aujourd’hui la générosité de la communauté internationale.
C’est dans cet objectif que se tiendra le 8 décembre à Maurice la Conférence des bailleurs de fonds en faveur de l’Union des Comores. Organisé sous l’égide de l’Union africaine (UA), ce sommet sera coprésidé par le président sud-africain Thabo Mbeki et le Premier ministre mauricien Navin Ramgoolam. Il est vrai que leurs deux pays ont contribué étroitement à trouver une issue à la crise comorienne. Le chef de l’État sud-africain s’est même rendu à deux reprises à Moroni. Une première fois le 17 février 2001 pour relancer le processus de réconciliation nationale, et une seconde le 26 mai 2002 pour assister à l’investiture d’Azali Assoumani.
Au-delà de ces deux pays frères, les partenaires traditionnels des Comores seront tous présents à Port-Louis. Mais, plus largement, c’est à l’ensemble de la communauté des bailleurs que s’adresse cette Conférence. Car les besoins de financement du pays pour la période 2006-2009 sont conséquents. Ils s’élèvent à 155 milliards de FC ; 29 milliards sont déjà acquis. Restent donc 126 milliards à trouver, soit 256 millions d’euros. Un montant qui, selon les autorités, sera nécessaire pour consolider la réconciliation nationale et honorer les engagements extérieurs tout en luttant contre la pauvreté. « Nous avons tourné la page de l’instabilité, explique le chef de l’État. Mais il faut aujourd’hui consolider ce processus. » Estimée à 65 millions de dollars par an au début des années 1990, l’aide au développement a chuté à moins de 14 millions de dollars après la crise anjouanaise. Cette baisse, conjuguée à l’effondrement des recettes d’exportation, a aggravé la situation économique et financière.
Depuis deux ans, le pays a souffert d’une conjoncture plutôt défavorable. La chute des cours mondiaux de la vanille a réduit de manière catastrophique les entrées de devises, et la production comorienne s’est effondrée. Conséquence : les recettes d’exportation sont passées de 9,1 milliards (18,5 millions d’euros) à 1,8 milliard de FC (3,65 millions d’euros) entre 2003 et 2004.
Dans le même temps, le prix des carburants s’est mis à flamber. Le 22 septembre dernier, le gouvernement a annoncé l’augmentation du litre de gasoil de 350 FC à 600 FC et de celui de l’essence de 500 FC à 700 FC, provoquant aussitôt des émeutes parmi la population. Depuis, le gouvernement a pris des mesures d’allègement fiscal pour compenser partiellement cette baisse du pouvoir d’achat, mais la situation sociale reste très tendue, et l’inflation pourrait déraper.
D’autres difficultés fragilisent encore plus la situation. Depuis le mois de septembre dernier, les Comoriens installés clandestinement à Mayotte (estimés à 55 000 sur 240 000 habitants) ont été déclarés indésirables par la population mahoraise. Des manifestations anticomoriennes ont éclaté, et certains ressortissants ont été contraints de rejoindre Anjouan. Et les revenus versés par cette diaspora risquent de faire cruellement défaut à leurs familles qui vivent sur les autres îles de l’archipel. Enfin, alors que la situation reste tendue, les nouvelles institutions de l’Union se sont révélées particulièrement budgétivores. Les moyens financiers collectés sont devenus trop faibles pour le train de vie de l’État, et le gouvernement peine à payer les fonctionnaires.
C’est dans un climat relativement incertain que le pays tente de boucler le programme de surveillance qu’il a engagé avec le Fonds monétaire international (FMI). Un dossier sur lequel Moroni joue contre la montre. En effet, le gouvernement doit effectuer les réformes nécessaires pour pouvoir bénéficier en 2006 d’une Facilité pour la réduction de la dette et pour la croissance (FRPC). Ce qui lui permettra ensuite d’être éligible à une réduction de sa dette au titre de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés). Celle-ci était estimée à 264 millions de dollars en 2004. Or l’échéance pour bénéficier d’un effacement est fixée au 31 décembre 2006, et les Comores doivent impérativement décrocher la FRPC avant cette date.
Le temps presse, et le programme macroéconomique n’est pas la seule échéance majeure. Selon la nouvelle Constitution, la présidence de l’Union des Comores doit normalement obéir à une rotation entre les trois îles qui la composent. Élu en avril 2002 à la tête du pays, le colonel Azali Assoumani cédera son fauteuil en avril 2006. La présidence de l’Union reviendra à un candidat d’Anjouan, et une « primaire » devra permettre aux Anjouanais de choisir les trois meilleurs candidats issus de leur île. Une opération coûteuse à organiser. Mais ce processus de présidence tournante, va enfin permettre de normaliser la vie institutionnelle. Si l’actuelle Constitution résiste à l’épreuve des urnes, elle confirmera que le pays est bien sorti de la zone de turbulences.
Compte tenu des circonstances, la Conférence des « Amis des Comores » sera déterminante pour le processus de réconciliation en cours. De la générosité des bailleurs de fonds présents à Port-Louis dépend l’avenir d’un pays toujours convalescent.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires