BCEAO : succession ouverte ?

Publié le 27 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Depuis plusieurs semaines, les couloirs de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar bruissent de rumeurs diverses. Contrairement aux habitudes de l’institution, une campagne est ouverte en son propre sein pour la succession de l’actuel gouverneur, Charles Konan Banny, dont le mandat expire à la fin de cette année.
L’affaire serait banale et ne susciterait que l’intérêt des milieux avertis si la situation générale en Afrique occidentale ne commandait la plus grande attention sur des sujets ayant trait à l’intégration régionale.

Les initiés savent qu’une petite guerre oppose depuis quelque temps les tenants de la rotation des postes régionaux au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) à ceux qui maintiennent l’attribution de certaines fonctions aux ressortissants de tel pays, compte tenu du poids économique et financier représenté. À l’appui de leur thèse, l’exemple de la Banque mondiale, dont il est difficile d’imaginer qu’elle ne soit pas présidée par un ressortissant des États-Unis d’Amérique. Il est vrai que le Sénégal a fait l’effort de renoncer à la position de président de l’UEMOA à Ouagadougou, que détenait un de ses ressortissants et qui se trouve désormais occupée par le Malien Soumaila Cissé. On ne sait ce qu’il adviendra de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) si son président, le Dr Yayi Boni, se détache de l’institution pour se présenter à l’élection présidentielle de février 2006 au Bénin. Un débat est donc engagé pour connaître le sort de la direction de la BCEAO à la fin de cette année.

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Beaucoup font remarquer que celle-ci, à la différence de l’UEMOA et de la BOAD, est une institution monétaire dont la maîtrise requiert une extrême attention. La gestion d’une monnaie convertible et commune à plusieurs pays exige la plus grande sérénité ainsi qu’un parfait accord avec les pays extérieurs garants de cette monnaie (la France et ses partenaires de l’euro). Si l’on n’y prend garde, la BCEAO, qui jusqu’à présent donne la preuve d’une rigueur remarquée, pourrait voir s’effriter cette image, avec comme conséquence une perte de confiance, seul gage de sa solidité.

Une quarantaine d’années de solidarité agissante et une expérience de gestion partagée d’un destin monétaire commun, préalables à une véritable intégration ouest-africaine, voilà des atouts dont il faut savoir se servir avec adresse. Il importe alors d’observer que le pays d’origine de l’actuel gouverneur, c’est la Côte d’Ivoire, qui, malgré la grave crise qu’elle traverse, demeure pour l’Afrique de l’Ouest un carrefour économique essentiel. Son poids financier reste considérable.
En outre, on ne peut perdre de vue que le Conseil de sécurité des Nations unies vient de se donner une année pour tenter un règlement ordonné de la situation de crise que vit ce pays depuis trois ans. Déjà, les avatars d’Air Afrique, dont le siège était à Abidjan, et le transfert provisoire à Tunis du siège de la Banque africaine de développement (BAD) ont assombri le tableau. Il ne s’agit donc pas simplement d’une affaire de postes que l’on se partage entre Africains à travers les « chamailleries » habituelles. On court ici dans l’immédiat un risque majeur de déstabilisation économique… et politique.

Les chefs d’État de l’UEMOA ne voudront sans doute pas énerver davantage leurs partenaires ivoiriens et les pousser dans leurs derniers retranchements en donnant l’impression de « tirer sur l’ambulance ». Ils éviteront de précipiter une décision lourde de conséquences et chercheront certainement, avec la coopération de l’actuel gouverneur, un arrangement permettant d’attendre la normalisation de la situation en Côte d’Ivoire pour engager, le moment venu, à froid, des discussions approfondies sur un sujet particulièrement délicat.

* Ancien secrétaire général adjoint de l’ONU.

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