Kigali parie sur la qualité

En misant sur la production de grains « haut de gamme », le Rwanda a fait décoller ses exportations.

Publié le 27 août 2006 Lecture : 2 minutes.

« Une acidité subtile, des notes boisées, épicées, chocolatées » Starbucks, l’enseigne américaine de cafés implantée aux quatre coins de la planète – plus de 10 000 salons dans le monde -, déploie des trésors d’ingéniosité pour qualifier l’arabica rwandais. Pour la première fois, en mars dernier, une variété de café du pays aux Mille Collines est inscrite sur la carte du « McDonald’s du café ». Le « Rwanda Blue Bourbon », c’est son nom (« bourbon » fait référence à une variété d’arabica très prisée, « blue » à la couleur des cerises qui contiennent les grains), est même estampillé « Black Apron Exclusives », label maison réservé aux breuvages haut de gamme.
La commercialisation du café rwandais sous l’étiquette « première catégorie » – chez Starbucks mais aussi au rayon « gourmets » des grandes surfaces occidentales – est l’aboutissement d’une politique volontariste. Les paysans cultivent l’arabica de longue date. Mais c’est seulement au lendemain du génocide, alors que l’économie nationale était à genoux, que le gouvernement a opté pour la production de café haut de gamme, envisagée entre autres comme solution pour redresser la barre.
Pour Kigali, tout incitait à tenir le pari. Le manque d’espace empêche de produire des quantités industrielles. Les conditions naturelles permettent également de créer des arômes raffinés : perchés sur les hauts plateaux – à une altitude moyenne de 2 000 mètres -, entre tropiques du Cancer et du Capricorne, les plants sont arrosés et ensoleillés. Sans compter que la demande mondiale de haut de gamme progresse, tandis que celle de café ordinaire stagne.
C’est en 2002 que les changements commencent, notamment grâce à l’aide de l’ami américain. « Nous avons dépensé 10 millions de dollars au cours des cinq dernières années afin de développer le secteur rwandais du café », déclarait, en avril dernier, la directrice adjointe de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid). Une attention particulière est apportée au travail dans les « stations de lavage ». C’est à cette étape, quand les cerises sont nettoyées et triées avant d’être décortiquées, que se joue la différence entre le café ordinaire et le café haut de gamme. Le pays compte 80 stations aujourd’hui, contre 2 avant 1994. En même temps, la privatisation du secteur fait jouer la concurrence entre producteurs, majoritairement réunis en coopératives.
En 2005, 10 % de la production nationale – 18 000 tonnes au total, contre 14 000 en 1998 – étaient de première qualité, contre quelques poussières avant le génocide. Pour 2006, la barre est fixée à près de 25 %, pour une production totale attendue de 26 000 tonnes. L’Office des cultures industrielles du Rwanda (Ocir Café) espère atteindre les 100 % en 2008.
Elle a beau exiger un soin constant, la culture du café « de luxe » est nettement plus rémunératrice que celle du café ordinaire. En 2005, le kilo d’arabica premier choix se vendait 3 dollars, soit près de deux fois plus que le café lambda. L’« or noir » du Rwanda constitue le premier produit d’exportation, représentant plus de 30 % des recettes totales en 2004, contre 20 % en 2001.
Actuellement, 700 000 familles – sur un total de 8,5 millions d’habitants – subsistent grâce à la culture caféière. L’amélioration des recettes est décisive, 60 % de la population vivant encore en dessous du seuil de pauvreté. Un argument humanitaire vendeur que Starbucks ne manque pas de souligner sur son site Internet : « Le Rwanda Blue Bourbon est plus qu’une simple tasse de café. C’est une source d’espoir pour les fermiers rwandais. »

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