Kadhafi « versus » Kadhafi

Publié le 27 août 2006 Lecture : 2 minutes.

A l’occasion de la fête de la Jeunesse, célébrée à Syrte le 20 août, Seif el-Islam, fils du « guide » Mouammar Kadhafi, s’est distingué par des propos particulièrement violents contre le système mis en place par son père. « Cessons de nous moquer de nous-mêmes en prétendant que nous vivons dans un paradis ! » a-t-il lancé devant une assemblée de cinq mille personnes, ahuries. Sans aller jusqu’à citer le Livre vert, uvre de son géniteur, qui sert de texte fondamental, Seif el-Islam a affirmé que le mal libyen s’explique par l’absence d’une Constitution qui préciserait les prérogatives des institutions. « Nous devons sortir de l’étape de la Révolution pour entrer dans celle d’un État. » La première étape n’a que trop duré, a-t-il laissé entendre, s’en prenant aux révolutionnaires professionnels (baptisés pour l’occasion « les gros chats »), alliés à une caste de technocrates pour former une mafia qui a pris en otages l’économie et le peuple libyens.
La notion de Jamahiriya, acronyme arabe mêlant « République » et « masses populaires », a été mise à mal par le fils de son père. « En Libye, le pouvoir n’a jamais appartenu au peuple, contrairement à la démocratie dont nous rêvions. Sinon comment expliquer que des gens soient arrêtés et malmenés sans motif ? » La presse libyenne en a, elle aussi, pris pour son grade. « Nul ne peut évoquer la liberté de la presse, car la presse libyenne n’existe pas. Elle se limite à quatre titres médiocres et sans relief où seule une poignée de personnes est autorisée à écrire. » Ces propos ont fait le bonheur de l’opposition, qui, occultant l’identité de leur auteur, se félicite de leur justesse. Pour les Frères musulmans libyens, dont le chef, Slimane Abdelkader, est exilé à Genève, ce discours pourrait servir de texte de référence à une sorte de Conférence nationale devant déboucher sur une Constituante. Quant aux plus sceptiques, qui se recrutent dans l’opposition laïque, ils estiment qu’il s’agit là d’une nouvelle manuvre de la « famille régnante » afin de pérenniser sa mainmise sur le pays.
Il est peu probable que Seif el-Islam ait agi sans en référer à son père. Il arrive à ce dernier de tenir des propos similaires ciblant une administration inefficace ou des fonctionnaires véreux. Mais jamais la télévision libyenne n’avait diffusé un discours aussi violent contre le système des « Comités populaires », structure de base du régime. Ce réquisitoire, prononcé à la veille du 37e anniversaire du renversement de la monarchie des Senoussi, le 1er septembre 1969, est-il annonciateur d’une révolution de velours en Libye ? Peu probable. La mafia décriée par Seif el-Islam ne se limite pas aux seuls patrons d’entreprises publiques. Il s’agit de tout un édifice institutionnel dont la mise en place explique la longévité de Kadhafi à la tête du pays. Et il serait hasardeux de croire que par un simple discours, fût-il prononcé par le fils du chef, ceux qui le composent soient privés de leurs privilèges et de la rente révolutionnaire. Surtout quand on songe aux cours actuels du baril de pétrole

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