Fichier ethnique

Publié le 27 août 2006 Lecture : 2 minutes.

« Les renseignements généraux (RG) ont établi un profil type des principaux délinquants, [] à partir de l’étude de 436 meneurs, recensés dans 24 quartiers sensibles. Parmi eux, 87 % ont la nationalité française ; 67 % sont d’origine maghrébine et 17 % d’origine africaine [sic]. Les Français d’origine non immigrée représentent 9 % des meneurs. » L’information, piochée dans un rapport des RG sur le phénomène de la violence dans les banlieues en date du 6 janvier 2005, est apparemment anodine. Publiée dans le quotidien Le Monde du 25 février dernier, c’est pourtant elle qui est à l’origine de la passe d’armes actuelle entre SOS Racisme et la Direction générale de la police nationale (DGPN) française.
Le 22 août, l’association antiraciste a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile devant le tribunal de grande instance de Paris. Pour elle, ces « statistiques des délinquants selon leur origine ethnique [et non selon leur nationalité] n’ont pu être révélées à la presse qu’après qu’un fichier [racial] a été mis en place au sein des RG », explique Samuel Thomas, vice-président de SOS Racisme. Or la constitution de tels documents est considérée comme un délit dans l’Hexagone et punie par une peine maximale de cinq ans de prison et 300 000 euros d’amende. Seules des autorisations ponctuelles pour le maniement de données ethniques peuvent être accordées par la Commission nationale informatique et liberté (Cnil), sous réserve d’obtenir l’accord des intéressés.
En se constituant partie civile – procédure qui déclenche automatiquement l’ouverture d’une information judiciaire et la désignation d’un juge d’instruction -, SOS Racisme espère pouvoir mettre la main sur le rapport, qu’elle a tenté en vain de se procurer, mais aussi en identifier les auteurs et les commanditaires. « Pour nous, il s’agit tout d’abord de [] découvrir s’il y a bien eu constitution d’un fichier ethnique », déclare Dominique Sopo, le président de l’association, dans une interview au Nouvel Observateur. Il craint notamment que de tels documents « soient utilisés à des fins de démagogie dans la préparation de la présidentielle afin de draguer une partie de l’électorat sensible à de tels raccourcis ». SOS Racisme ne manque d’ailleurs pas de « regretter la récupération de ces informations par un grand nombre de groupes et de sites Internet d’extrême droite ».
De son côté, la DGPN affirme qu’« aucun fichier spécifique de ce type n’a été créé par un service de police » et que les chiffres incriminés sont le résultat d’une étude « uniquement chiffrée et non nominative », réalisée à partir de l’origine des noms et prénoms « figurant obligatoirement dans les procès-verbaux d’auditions ».
Quoi qu’il en soit, la polémique relance le débat sur l’opportunité de prendre en compte un critère racial dans les bases de données administratives. Si SOS Racisme s’inquiète de l’exploitation « détestable » qui pourrait en être faite – l’établissement d’un lien direct entre l’origine ethnique des délinquants et les actes qu’ils ont commis, par exemple -, d’autres affirment que ce serait un outil précieux pour la mise en place d’une vraie politique de discrimination positive.

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